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L'univers concentrationnaire

L'univers concentrationnaire

Titel: L'univers concentrationnaire
Autoren: David Rousset
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que
si, cette nuit-là ou la prochaine, j’entendais siffler, je devais rejoindre
très rapidement leur Block. Rien ne se produisit. Au matin, les S.S. montrèrent
les premiers signes de départ, mais les sentinelles gardaient toujours le camp.
Elles tuèrent dans la matinée une trentaine d’hommes qui avaient tenté de fuir.
Sur les 10 heures, l’ordre vint que tous les Allemands devaient partir. Au
début de l’après-midi, en effet, les premiers groupes allemands se formaient
près de la porte, mais, en même temps, le bruit circulait qu’il s’agissait de
volontaires. Emil vint nous dire adieu. J’insistai pour qu’il restât, mais il
sourit et secoua la tête. Le Kapo du Revier, qui était également un communiste
allemand, refusa de partir, mais il fut clair pour moi, en observant l’attitude
d’Emil à son égard, qu’il contrevenait, en ce faisant, non à un ordre des S.S.,
mais à une décision de la fraction. Sur les 13 heures, on vit les S.S. de l’autre
côté des barbelés donner des fusils aux Kapos, y compris aux politiques. A 14 h.
30, la plupart des S.S. et des sentinelles étaient partis, mais un bon nombre
de Kapos restaient, avec leurs armes. Il devait être près de 3 heures lorsqu’un
énorme cri s’éleva dans le camp : « Les Américains ». Une
première voiture venait de passer sur la route. Les dernières sentinelles ainsi
que les Kapos avaient disparu. Quelques fusils restaient sur le sol. Les Russes
et les Polonais se ruèrent sur les wagons et sur les baraques des S.S., où se
trouvaient les réserves de vivres.

XVII
LES EAUX DE LA MER SE SONT RETIRÉES
    Le soir, je montai en voiture avec quelques camarades à
Ludwigslust. Des camions brûlaient. Une marée de civils, de femmes, de soldats,
de concentrationnaires, avançaient le long des fossés, poussant des carrioles, traînant
des gosses. Des détenus en tenue bleue rayée sur des vélos. Des camions
surchargés de militaires allemands. Des jeeps. Des voitures d’officiers
américains et, au milieu de tout cela, une auto de S.S. et une autre de S.D. qui
circulaient librement. Je dis au chauffeur qu’il fallait tout de suite arrêter
ces gens et les tuer sur place. Il me regarda en souriant et me répondit :
« Il faut être élégant dans la victoire. » Quelques jours après, je
parlais avec un médecin allemand qui travaillait avec nous à l’hôpital
militaire de Ludwigslust, où nous avions finalement transporté les malades. Ce
n’était visiblement pas un nazi. Il était repu de la guerre et ignorait où se
trouvaient sa femme et ses quatre enfants. Dresde, qui était sa ville, avait
été cruellement bombardée. « Voyons, me dit-il, a-t-on fait la guerre pour
Dantzig ? » Je lui répondis que non. « Alors, voyez-vous, la politique
de Hitler dans les camps de concentration a été affreuse (je saluai) ; mais,
pour tout le reste, il avait raison. »
    L’Allemagne des premières semaines de la défaite n’était qu’un
vaste cimetière. Une pestilence régnait sur tout le pays et tous les hommes
étaient morts, même ceux que l’on voyait marcher dans les rues. Personne ne
pensait. Je me souviens que, quand il m’arrivait le soir de rapporter à Emil
mes conversations avec des Posten ou des civils, il avait une sorte de réaction
impatiente. « Ah ! » me disait-il, « on leur a vidé le
cerveau ». Et c’était vrai, beaucoup plus vrai qu’il ne le croyait
lui-même. Mais aussi vrai qu’il le sentait dans ses muscles avant d’en avoir
pris conscience. Et c’est ce qui explique le départ des politiques.
    Bien sûr, ils avaient peur des Russes, tous. Et ce n’était
pas sans raison. A Wöbbelin, les hommes étaient si mêlés et se connaissaient si
peu qu’il ne fallait pas compter sur des distinctions en cas de révolte. Tout
ce qui avait un brassard aurait été impitoyablement tué. Et c’est bien le motif
de leur fuite. Près de Hanovre, tous les Kapos et Vorarbeiter furent massacrés.
Les Russes mangèrent la cuisse du Kapo Gartner, une immonde brute de Dora.
    Mais, si les politiques ne tentèrent rien, c’est que, tout
autour, le pays était mort. Pas même six hommes pour se grouper et agir. Les
cerveaux vides. Cette crise sociale tant attendue et toujours reculée ne vint
jamais. Même lorsque tout le système fut jeté à terre par les Alliés, il n’y
eut rien. Seulement une sorte de vide. Un silence total. L’officier américain n’eut
pas à froncer le sourcil
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