Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'univers concentrationnaire

L'univers concentrationnaire

Titel: L'univers concentrationnaire
Autoren: David Rousset
Vom Netzwerk:
vivace, est la lutte sans merci des
politiques allemands contre les droit commun. Son histoire est jonchée de
cadavres.
    Les Rouges sont essentiellement les communistes, les
sociaux-démocrates étant fort peu nombreux dans l’univers concentrationnaire. Les
premières années des camps furent incomparablement plus effroyables que la
période que nous avons connue. La lutte pour l’obtention du pouvoir était donc
littéralement une question de vie ou de mort pour les militants allemands. L’extraordinaire
extension des camps engendrée par la guerre aida doublement les communistes
allemands. D’abord, elle contraignit les S.S., faute de personnel dirigeant, à
les admettre à côté des criminels dans les fonctions les plus hautes des cités
concentrationnaires. Ensuite, la diversité des tâches leur permit d’occuper
certains postes sans se compromettre irrémédiablement. L’année 1942 et le début
de 1943 virent le triomphe presque complet des politiques contre les « droit
commun ».
    Mais ils ne purent utiliser efficacement les circonstances
que parce qu’ils avaient constitué une fraction solide et homogène. Ils
connurent des crises intérieures très dures. Elles vinrent pour une part de
distinctions que les S.S. établirent à un certain moment, et qui écartèrent les
politiques (comme les terroristes), pour les rejeter dans les rangs des Verts, et
d’autre part de la pression très sévère exercée par les conditions brutales de
la vie des camps. Certains éléments furent corrompus plus ou moins vite, d’autres
abandonnèrent la lutte. Les S.S. donnèrent toujours aux politiques la
possibilité de sortir des camps au prix d’un reniement. Ces « libérations »
étaient d’ailleurs fallacieuses. Retourné à la vie civile, l’ancien détenu
restait sous une surveillance constante de la Gestapo et très fréquemment, au
bout d’un temps plus ou moins long, revenait au camp, usé physiquement et
moralement. Seuls leurs pairs qui ont traversé les mêmes épreuves peuvent être
qualifiés pour les juger.
    Mais un petit noyau demeura ferme. Plusieurs, qui avaient
refusé le marché des S.S., se conduisirent cependant avec une grande brutalité
et participèrent à bien des trafics compromettants. Pour comprendre, il faut
connaître l’atmosphère des camps. Mais jusqu’à la fin, il y eut parmi eux des
hommes qui maintinrent leur entière dignité. Et je dois dire que c’est
extraordinaire. J’ai parlé de Erich, le chef du Block 48 à Buchenwald. Son père,
sa mère, son frère, tous étaient tombés sous les coups du nazisme. Le père, il
l’avait vu pendre. J’ai vécu plus de douze mois quotidiennement avec Emil Künder,
le Kapo. Je ne l’ai jamais vu frapper. Pas un instant il n’oublia ses
convictions révolutionnaires. Il resta le responsable de Hambourg comme il
avait dû être pendant l’insurrection. Et cependant, des années durant, il vécut
toute l’ignominie des camps. J’ai connu intimement Walter, et je sais qu’aux
pires moments, dans les débâcles les plus angoissantes, il fut toujours
sensible, et combien, au rappel des exigences révolutionnaires. Kurt, qui dura
à l’ombre d’Emil et qui, chaque soir, appelait longuement sa femme dans la
détresse de ses nerfs ruinés, jamais ne frappa. Ernst, que l’on disait Espagnol
à cause de son profil et de la hâleur de son teint, savait être sympathique aux
détenus par son sourire naturel, par la vie normale, saine, qu’il portait en
lui malgré tant et tant d’années d’enfer. J’ai appris pour ces hommes, malgré
les faiblesses et les tares qu’ils pouvaient traîner, et peut-être à cause d’elles,
qui leur rendaient toute cette misère humaine – une affection faite de cette
découverte, au delà des indignités, de l’homme laid et magnifique, valable par
lui-même et en dehors de toutes les convictions et de toutes les conventions. Emil,
Walter, quelle leçon singulière que votre vie et quel enseignement de puissance
vraie au travers de toutes les défaites.
    *
    * *
    La fraction communiste agissant dans le camp étendait ses
contacts avec toutes les cités concentrationnaires. Les transports constants
facilitaient l’information et la liaison, bien entendu sur des perspectives de
plusieurs mois. Les communistes allemands avaient appris à travailler avec le
temps sans impatience. Cette collaboration à travers les distances était une
force dans la lutte contre les Verts. Un fonctionnaire
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher