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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand
Autoren: Philippe Séguin
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avait déclaré qu'en se donnant à lui la France était tombée dans les bras d'un palefrenier...
    Il n'aura jamais un mot contre Hugo, lequel, pourtant, ne le ménagera guère.
    Cette bonté, admirable chez l'homme privé, s'avérera parfois une faiblesse chez l'homme public. Louis Napoléon déteste faire de la peine. Les devoirs de la fidélité personnelle prendront trop souvent le pas sur les devoirs de l'homme d'État: du coup, il répugnera, contre toute raison, à se séparer de personnalités encombrantes, qui ont fait leur temps.
    La délicatesse de ses sentiments trouve toujours à s'exprimer. C'est le cas par exemple lorsque le 2 octobre 1853, en compagnie de l'impératrice Eugénie, il va conduire dans les appartements qu'il lui a réservés, aux Tuileries, Valérie Mazuyer, désignée comme dame d'honneur honoraire, parce qu'elle a servi Hortense et ne lui a jamais ménagé son dévouement. Mieux encore: à intervalles réguliers, il se mettra en frais pour la vieille demoiselle.
    On imagine donc aisément le désarroi et la peine d'un tel enfant aux côtés de sa mère, bannie, qui erre sur les routes d'Europe sans pouvoir se fixer. Louis Napoléon s'en souviendra avec émotion: « Ma Mère, en ces jours de fuite, se montra vraiment admirable. Quant à moi, cette époque m'est restée comme un rêve étrange et papillotant. Je me souviens que lorsqu'on vint arracher mon frère des bras de ma mère, j'eus tant de chagrin que je tombai malade, j'eus même la jaunisse, pas gravement d'ailleurs... Aix, Berne, Bade, Zurich, Serawenfeld, étapes successives... Tout cela se succède devant mes yeux... »
    Des étapes, des rebuffades, il y en eut bien d'autres qu'il semble alors avoir oubliées: Dijon, Genève, Prégny, Payerne, Constance...
    Enfin, en 1817, et toujours grâce à son frère Eugène, Hortense peut acquérir un pied-à-terre à Augsbourg et un charmant petit domaine sur le lac de Constance, côté suisse, dans le canton de Thurgovie. On y fera quelques travaux d'embellissement et c'est là, à Arenenberg, que Louis Napoléon va passer la fin de son enfance et son adolescence.
    Un pavillon plutôt qu'un château, notera Chateaubriand, qui nous en donne une description: « Arenenberg est situé sur une espèce de promontoire, dans une chaîne de collines escarpées [...]. On y jouit d'une vue étendue mais triste. Cette vue domine le lac inférieur de Constance, qui n'est qu'une expansion du Rhin sur des prairies noyées. De l'autre côté du lac, on aperçoit des bois sombres, restes de la Forêt-Noire, quelques oiseaux blancs voltigeant sous un ciel gris et poussés par un vent glacé. »
    Ce sera la plus durable des résidences de Louis Napoléon, son seul véritable foyer. Aujourd'hui encore, on peut considérer Arenenberg comme sa maison de famille. La vie n'y aurait pas manqué d'agréments, n'eussent été l'éloignement de la patrie, la séparation d'avec son frère, et le souvenir d'une existence autrement plus brillante. La demeure est confortable et le train de viefort convenable. La suite d'Hortense se compose d'une bonne dizaine de personnes, avec chapelain, précepteur, intendant. Plus tard, le jeune Louis Napoléon comptera jusqu'à une douzaine de pur-sang dans ses écuries.
    Ces années-là, il les passe en tête à tête avec sa mère. Tête-à-tête seulement troublé par leur entourage, toujours présent, quoique de modeste influence. Tête-à-tête avec une mère qui, séparée de son mari, abandonnée de Flahaut — son amant depuis 1810 —, n'aura plus jamais de liaison durable et se retrouve seule avec un enfant dont les circonstances ont fait un fils unique qui devient le seul objet de sa tendresse et de son attention.
    Naturellement il tient beaucoup d'elle. Comme Stéfane Pol l'écrit: « Sa mère s'était reflétée en lui tout entière. Il hérita de ses nombreux travers, comme de son grand coeur. » A-t-on assez dit — avec de lourds sous-entendus - qu'il n'avait pas grand-chose des Bonaparte. Rien de leurs manières, de leurs brusqueries, de leurs emportements...
    D'ailleurs, plus tard, il n'aura pas, vis-à-vis de sa grande et encombrante famille, la même attitude que son oncle. Napoléon I er pratiquait le népotisme avec une sorte de rage militante: trônes pour les frères, couches prestigieuses pour les soeurs, « placement » pour le reste de la parenté, et argent pour tout le monde. Louis Napoléon, lui, assumera comme il sied ses obligations, mais avec
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