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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince
Autoren: Jocelyne Godard
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main sur le
rebord de la litière qu’une couche d’or faisait étinceler plus encore que les
rayons solaires qui, depuis quelques heures, tombaient dru sur la foule.
    Ce n’était pas qu’elle ignorait, jusqu’à
présent, l’ombre que lui portait le jeune prince, mais elle en mesura
subitement toute l’importance et comprit que, désormais, elle aurait à subir
son rival quoi qu’il arrive. En tout état de cause, il lui faudrait, à l’avenir,
jouer serré pour garder le pouvoir.
    Pour ne pas attirer l’attention du peuple par
le dispersement de ses pensées, elle jugea plus sage de remettre à plus tard
ses réflexions soudaines, se promettant, dans un premier temps du moins, de ne
plus barrer la route au jeune homme en refusant les énormes dépenses consacrées
à la formation de ses futures armées, puisque c’était là une solution qui
apaisait son angoisse.
    Éloigné de l’Égypte, parcourant des champs de
bataille à la tête de ses armées, son neveu ne la gênerait pas. Rassurée par
cette logique qui, certes, ne déplairait pas au fougueux prince, elle reporta
ses yeux au-delà de la foule.
    Sur le port, devant la barque sacrée, les
prêtres alignés sur deux rangées – les plus proches de l’embarcation
portaient la peau de léopard qui les distinguait du lot des communs – remuaient
dans un va-et-vient silencieux leurs encensoirs qui dégageaient la précieuse
myrrhe qu’Hatchepsout avait rapportée du Pount.
    Une fumée dense les enveloppait. On ne voyait
plus que le haut de leurs crânes rasés et leurs mains qui s’agitaient dans l’espace,
balançant dans un rythme parfait les encensoirs d’or incrustés de cornaline et
de lapis-lazuli.
    Les musiciennes s’étaient accroupies, tenant
leur petite harpe ou leur flûte entre les mains. Quand le balancement des
encensoirs s’arrêta, elles entamèrent des mélodies voluptueuses qui montaient
dans l’espace et se mêlaient aux vapeurs des parfums brûlant en volutes épaisses.
    Les Grands Prêtres se prosternaient et la
foule avait cessé son agitation, attendant que Pharaon, investi de tous les
pouvoirs, les assurât des bienfaits que les dieux leur envoyaient.
    Quand la pharaonne arriva près des danseuses
sacrées du temple, elle aperçut Méryet, sa protégée. Invitée par le sourire
engageant qu’Hatchepsout lui fit au passage, la jeune fille se détacha du
groupe, fléchit le buste en avant et se courba gracieusement sans cesser de
regarder sa souveraine.
    Sa silhouette longiligne était gracieuse. Elle
se mouvait comme une libellule argentée au-dessus des marais du Nil et son
visage était l’un des plus beaux que le temple avait enfermé jusqu’alors.
    À regarder la jeune fille évoluer aussi
gracieusement devant elle, Hatchepsout se remémora la scène qui l’avait amenée
à rencontrer l’adolescente qui, harcelée par la police de la ville, dansait sur
les places publiques de Memphis pour survivre [4] .
    Ce soir-là, sous le dais des ombelles qui se
balançaient au-dessus d’elle pour la préserver de la chaleur d’un soir
étouffant, Hatchepsout revit le scorpion qui, insidieusement, s’apprêtait à
monter sur sa jambe, la menaçant de sa queue en spirale, prêt à y piquer son
dard mortel.
    Méryet s’était courageusement jetée sur elle
et d’un coup sec, elle avait tranché en deux le scorpion avec l’angle saillant
du petit tambourin sur lequel elle battait le rythme de sa danse.
    Pour la remercier de son acte de bravoure, la
Pharaonne l’avait invitée à suivre l’expédition et, puisque la fillette rêvait
d’entrer au temple, faveur réservée exclusivement aux jeunes filles nobles,
Méryet s’était nourrie des idées sacrées que l’on y cultivait, décidant de se
consacrer corps et âme au dieu Amon de Thèbes.
    C’est ainsi qu’au retour du Pount, Hatchepsout
avait signé sa reconnaissance et l’adolescente s’était vue enrôlée à Karnak
pour y suivre le dur apprentissage des danseuses sacrées.
    Méryet releva son buste, éleva ses mains en
plein ciel et murmura une incantation divine. C’était un long poème où elle
parlait de la grandeur d’Hatchepsout et de la bienveillance des dieux. Son air
était grave, ses yeux empreints de respect et d’adoration pour la reine. Elle
se courba à nouveau, fit une torsion des hanches en rejetant sa tête en
arrière, la balançant doucement de droite à gauche. Puis, la ramenant à sa
juste place, elle s’immobilisa quelque
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