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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince
Autoren: Jocelyne Godard
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L’aridité
de l’air la faisait un peu suffoquer, bien que l’heure de Râ ne fût pas encore
au zénith.
    Scrutant l’horizon avec attention, d’autant
plus que les deux rangées de palmiers laissaient entrevoir à leur extrémité un
rai de lumière intense, un large sourire vint détendre ses lèvres. Elle reconnaissait
entre mille autres cette silhouette encore svelte, malgré ses trente-huit ans.
    L’allure vive et souple qui se déhanchait
devant elle et qu’aucun artifice pharaonique ne venait alourdir était celle de
sa mère.
    Mérytrê se leva et courut à elle.
    — Mère, vous avez pu vous échapper de vos
obligations !
    — Je te consacre la matinée, ma fille.
Es-tu heureuse ?
    Mérytrê frôla de la main le visage de sa mère.
    — Vous savez bien, Mère, que je regrette
infiniment vos éternelles absences. Le peu de temps que vous m’accordez m’est
aussi indispensable que l’air de ce palais. Les journées me semblent tristes
sans vous. J’aimerais tant que nous passions des journées entières ensemble !
    — Eh bien, fit gaiement Hatchepsout,
passons au moins toutes les deux cette matinée-là.
    Elle prit la main de sa fille et l’entraîna
vers le bassin d’eau bleutée qu’elle venait de quitter.
    — Pourquoi es-tu seule ? Te
baignais-tu ?
    — Je m’ennuie lorsque je ne suis pas avec
Satiah.
    — Où est-elle donc ?
    — Avec sa mère, je suppose. Elle est
venue tout à l’heure la chercher. Ce nouveau médecin que tu as engagé était
avec elle.
    Hatchepsout sursauta.
    — Tu dis que Neb-Amon l’accompagnait ?
    — Oui, mère. Et Satiah l’a embrassé,
comme s’il s’agissait d’un frère ou d’un père.
    — Et cela t’a choquée ?
    — Pas vraiment. Satiah dit que sa mère
veut l’épouser.
    Hatchepsout se raidit imperceptiblement. Sa
main se crispa un peu sur celle de sa fille, mais l’adolescente sembla ne pas s’en
apercevoir. Presque gaiement, elle poursuivit :
    — S’ils se marient, Satiah restera-t-elle
au palais ?
    Par tous les dieux ! Comment Hatchepsout n’avait-elle
pas senti plus tôt l’intimité qui se créait entre son médecin et Séchât ?
Et voilà que sa fille lui révélait froidement ce que toute la cour devait sans
doute savoir !
    Elle lâcha la main de Mérytrê qui poursuivait
encore :
    — Je n’aurais pas voulu d’un autre père
que celui qui m’a faite, dit-elle d’un air buté. Mère, est-ce parce que vous
êtes Pharaon que vous ne pouvez pas vous remarier ?
    — C’est exact, Mérytrê. Depuis que je
suis pharaon, je suis dieu lui-même et non plus une femme. Je ne puis cumuler
les deux états d’esprit.
    — Mais, un pharaon se remarie bien, Mère !
    — C’est une femme qu’il épouse.
    — Et vous ne pouvez épouser une femme.
    Hatchepsout se détendit et elles se mirent à
rire.
    Dieu ! Pourquoi sa fille ne riait-elle
pas plus souvent ? Qu’elle était terne lorsqu’elle était sérieuse. Comme
elle manquait de vie, de maintien, de grâce !
    Dans un éclair, Hatchepsout revit l’image de
Néférourê, sa fille aînée, morte d’une fièvre inconnue avant son départ pour le
Pays du Pount. Aucun médecin n’avait pu la sauver. Seul, Neb-Amon aurait eu des
chances de la tirer d’affaire, mais il était arrivé trop tard dans la vie d’Hatchepsout.
    Néférourê, sa fille aînée, si vive et si
enjouée ! À quoi bon se souvenir de cette enfant qui rayonnait encore dans
son esprit ? À quoi bon se remémorer l’adoration, l’admiration que
Senenmout avait pour la fillette ? Il avait tant adulé Néférourê que des
bouches malveillantes avaient chuchoté que la fillette était de lui.
    Comment le Grand Architecte, l’ami, le
conseiller fidèle aurait-il pu négliger l’enfant ?
    L’étoffe de Néférourê était celle d’Hatchepsout.
Une enveloppe toute spéciale, trempée dans le sang bleu et pur des pharaons de
haute lignée.
    Néférourê avait déjà le masque qui convenait
aux pharaons. Telle mère, telle fille ! Avec cette envergure, Hatchepsout
aurait pu tout lui apprendre.
    Face à sa sœur, la pâle Mérytrê ne pouvait qu’être
Grande Épouse Royale. Encore faudrait-il qu’elle se fasse appuyer par une
Seconde Épouse de valeur. Hélas ! Voilà une idée qui agaçait fortement
Hatchepsout.
    Des concubines, soit ! Des concubines qui
attendent le bon vouloir du pharaon dans l’ombre du harem. Hatchepsout
répugnait déjà à l’idée que l’une d’elles
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