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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
Autoren: James Fenimore Cooper
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bâtiments qui devenaient visibles à ses yeux, et que la lune couvrait d’un côté d’une douce lumière, tandis que de l’autre le contraste de ses rayons épaississait les ombres. On ne voyait dans le port que quelques bâtiments démâtés. La forêt de mâts qui le couvrait autrefois avait disparu. On n’y entendait plus ce bruit de roues, ce mouvement actif qui auraient dû faire distinguer à cette heure le grand marché de toutes les colonies. Les seuls sons qui frappassent l’oreille étaient le bruit éloigné d’une musique martiale, les cris désordonnés des soldats qui s’enivraient dans les cabarets situés sur le bord de la mer, et la voix farouche des sentinelles placées sur les vaisseaux de guerre, qui arrêtaient dans leur marche le petit nombre de barques que les habitants conservaient encore pour la pêche ou le commerce côtier.
    – Quel changement ! s’écria le jeune officier en jetant les yeux sur cette scène de désolation ; quel spectacle différent me retracent mes souvenirs, quelque imparfaits qu’ils soient, quelque loin qu’ils remontent !
    Le vieillard ne répondit rien ; mais un sourire, dont l’expression était singulière, se peignit sur ses joues amaigries, et donna à tous ses traits un caractère doublement remarquable. Le jeune officier n’en dit pas davantage, et tous deux gardèrent le silence jusqu’au moment où la barque, étant arrivée au bout du long quai, jadis si vivant, et où il ne se trouvait alors qu’une sentinelle qui le parcourait à pas mesurés, s’avança vers le rivage, et s’arrêta au lieu ordinaire du débarquement.
    Quels que pussent être les sentiments des deux passagers, en atteignant en sûreté le but d’un voyage long et pénible, ils ne les exprimèrent point par des paroles. Le vieillard découvrit ses cheveux blancs, et, plaçant son chapeau devant son visage, il sembla rendre au ciel en esprit des actions de grâces de se trouver à la fin de ses fatigues, tandis que son jeune compagnon marchait avec l’air d’un homme que ses émotions occupaient trop pour qu’il pût songer à les peindre.
    – C’est ici que nous devons nous séparer, Monsieur, dit enfin ce dernier ; mais à présent que nos relations communes sont terminées, j’espère que la connaissance que nous devons au hasard se prolongera au-delà du terme de notre voyage.
    – Un homme dont les jours sont aussi avancés que les miens, répondit le vieillard, ne doit pas présumer de la libéralité de Dieu au point de faire des promesses dont l’accomplissement dépend du temps. Vous voyez en moi un homme qui revient d’un triste, d’un bien triste pèlerinage sur l’autre hémisphère, pour laisser ses dépouilles mortelles dans son pays natal ; mais si le ciel daigne m’accorder assez de vie pour cela, vous entendrez encore parler de celui que vos bontés et votre politesse ont si grandement obligé.
    L’officier fut affecté du ton grave et solennel de son compagnon, et répondit en lui serrant sa main :
    – Ne l’oubliez pas ! je vous le demande comme une faveur spéciale. Je ne sais pourquoi ; mais vous avez obtenu sur mes sentiments un empire que nul autre n’a jamais possédé ; c’est un mystère pour moi, c’est comme un songe ; mais j’éprouve pour vous, non seulement du respect, mais de l’amitié.
    Le vieillard fit un pas en arrière, sans quitter la main du jeune homme, le regarda fixement quelques instants, et lui dit en levant lentement une main vers le firmament :
    – Ce sentiment vient du ciel ; il est dans les desseins de la Providence ; ne cherchez pas à l’étouffer, jeune homme ; conservez-le précieusement dans votre cœur.
    La réponse, qu’allait lui faire le jeune officier fut interrompue par des cris subits et violents qui rompirent le silence général, et dont l’accent plaintif leur glaça le sang dans les veines. Le bruit de coups de courroies se joignait aux plaintes de celui qui les recevait, et était accompagné de jurements et d’exécrations que proféraient des voix qui ne paraissaient pas à une grande distance. Un mouvement commun les entraîna tous du côté d’où venait le tumulte, et ils y coururent avec rapidité. Lorsqu’ils approchèrent des bâtiments, ils virent un groupe rassemblé autour d’un jeune homme, dont les cris troublaient la tranquillité du soir, et dont les plaintes n’excitaient que la dérision. Ceux qui étaient spectateurs de ses souffrances
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