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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
Autoren: James Fenimore Cooper
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ce pauvre homme vient de recevoir ? Quel motif a occasionné cette violence ?
    – C’est un pauvre garçon, répondit le boiteux, un véritable innocent qui ne sait pas grand’chose, mais qui ne fait de mal à personne. Les soldats se sont divertis dans ce cabaret, et ils l’emmènent souvent avec eux pour s’amuser de sa faiblesse d’esprit. Si l’on souffre une pareille conduite, je crains qu’il n’en résulte de grands malheurs : des lois dures arrivant de l’autre côté de l’eau, ici des soldats qui se permettent tout, avec des gens comme le colonel Nesbitt à leur tête, tout cela ne peut manquer de…
    – Nous ferons aussi bien de ne pas continuer cet entretien, mon cher ami, dit l’officier. J’appartiens moi-même au régiment de Wolf, et je veillerai à ce que justice soit rendue à qui de droit dans cette affaire. Vous me croirez aisément quand vous saurez que je suis un Enfant de Boston {8}  ; mais, quoique natif de cette ville, j’en ai été si longtemps absent, que je trouverais bien difficilement mon chemin dans ces rues tortueuses. Connaissez-vous la demeure de Mrs {9} Lechmere ?
    – C’est une maison bien connue dans tout Boston, répondit le boiteux d’une voix sensiblement changée par la connaissance qu’il venait d’acquérir qu’il parlait à un concitoyen. Job que voilà ne fait autre chose que des commissions, et il vous montrera le chemin par reconnaissance du service que vous lui avez rendu. N’est-il pas vrai, Job ?
    L’idiot, car l’œil hébété et la physionomie insignifiante du jeune homme qui venait d’être arraché à ses bourreaux ne prouvaient que trop clairement qu’il appartenait à cette malheureuse classe d’êtres humains, répondit avec une précaution et une sorte de répugnance qui étaient assez singulières après ce qui venait de lui arriver :
    – Mrs Lechmere ? Oh ! oui, Job connaît le chemin ; il irait chez elle les yeux bandés, si… si…
    – Si… si… si, quoi ? imbécile ! s’écria le zélé boiteux.
    – S’il faisait jour.
    – Les yeux bandés, s’il faisait jour ? Entendez-vous le nigaud ? Allons, Job, il faut que vous conduisiez monsieur dans Tremont-Street, sans parler davantage. Le soleil vient seulement de se coucher {10}  ; vous pouvez y aller et être dans votre lit avant que l’horloge d’Old-South sonne huit heures {11} .
    – Oui-dà, cela dépend du chemin que vous prenez. Je suis sûr, voisin Hopper, qu’il vous faudrait plus d’une heure pour aller chez Mrs Lechmere, si vous preniez par Lynn-Street, Prince-Street et Snow-Hill, surtout si vous passiez quelque temps à regarder les sépultures sur Copps-Hill.
    – Allons, voilà l’idiot qui va tomber dans un accès d’humeur sombre, avec ses sépultures et Copps-Hill, s’écria le boiteux qui prenait intérêt à son jeune concitoyen, et qui lui aurait volontiers offert de lui servir de guide lui-même, si ses infirmités le lui eussent permis. Il faudra que Monsieur rappelle les grenadiers pour le mettre à la raison.
    – Il est inutile d’user de sévérité avec ce malheureux jeune homme, dit l’officier ; mes souvenirs m’aideront sans doute à trouver mon chemin à mesure que j’avancerai, et si je me vois embarrassé, je m’adresserai à quelque passant.
    – Si Boston était encore ce que Boston a été, vous trouveriez à chaque coin de rue des gens qui répondraient civilement à vos questions ; mais, depuis le massacre {12} , il est rare que nos compatriotes sortent de leurs maisons à une pareille heure. D’ailleurs, c’est aujourd’hui samedi, comme vous le savez ; n’est-ce pas une honte pour ces tapageurs de choisir un pareil jour pour faire la débauche ? Mais quant à cela, les soldats sont devenus plus insolents que jamais depuis le désappointement qu’ils ont éprouvé à Salem, relativement aux canons. Au surplus, ce n’est pas à un homme, comme vous que j’ai besoin d’apprendre ce que sont les soldats quand ils ont une fois la tête montée.
    – Je ne connais pas bien mes camarades, si la scène dont je viens d’être témoin est un échantillon de leur conduite ordinaire, Monsieur. Suivez-moi, Meriton ; je ne crois pas que nous courrions grand danger de nous égarer.
    Meriton reprit le porte-manteau dont il était chargé, et qu’il avait déposé à terre, et ils se mettaient en marche quand l’idiot s’approcha gauchement de l’officier, le regarda attentivement en face
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