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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée
Autoren: Pierre Péan
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Petit-Palais. Quelque cinq cents personnes attendent le discours de Jacques Kerchache, commissaire de l'exposition, mais l'expert a une extinction de voix. Il est déjà malade. Au pied levé, le maire de Paris prend sa place et provoque, par ses propos iconoclastes, le départ de l'ambassadeur d'Espagne de la célébration… Par-delà cette prise de position on ne peut plus politique, Jacques Chirac affirme que l'étude ethnographique de l'art taïno donne à voir autrement ce Nouveau Monde que l'archéologue n'avait pu entièrement resituer : « L'étude des civilisations anciennes fait justice de toutes les idées fausses et simplistes. Les arts non européens sont bien loin de l'exotique et du pittoresque. Ce sont des arts à part entière ! »
    Après l'incroyable succès de l'exposition, les deux amis n'entendent pas s'arrêter en si bon chemin et veulent voir se créer à Paris un musée où exposer des objets des cultures non européennes. Pour nommer leur projet, sans doute inspiré par les « arts primordiaux » d'André Malraux, Jacques Chirac parle des « arts premiers », expression qui a fait florès et qu'il regrette : « C'est une erreur, un mauvais terme… Premiers, premiers de quoi ? Je regrette de l'avoir lancé… »
    Kerchache ne voit qu'un seul lieu où abriter l'exposition permanente : le Louvre, à la 6 e section. Mais les deux hommes doivent alors affronter, comme on l'a vu, l'« homme à l'écharpe rouge » : « On a voulu faire quelque chose malgré les hurlements des conservateurs… Finalement, j'ai obligé le Louvre à nous céder le Pavillon des Sessions pour accueillir la première exposition d'arts premiers… » Chirac devient lyrique, parlant d'« une des choses les plus belles du monde ».
    – L'avez-vous visitée ?
    À ma grande honte, je dois lui avouer que non.
    – Allez-y, allez-y ! Vous verrez, vous comprendrez…
    Il revient alors encore une fois sur celui qui a voulu se dresser en travers de leur chemin :
    « J'apprends un jour que Rosenberg a décidé que l'entrée du Pavillon des Sessions se ferait sur le quai et que deux gardiens déchireraient les billets, l'un pour le Grand Louvre, l'autre pour le Pavillon… Je suis furieux de cet ostracisme à l'égard des arts premiers… Quelque temps plus tard, j'aperçois Rosenberg à un cocktail donné à l'Élysée. Je fonce sur lui : “Qu'est-ce que c'est que cette histoire des deux gardiens… ? – Il ne faut pas mélanger les choses, me répond-il. – Avez-vous décidé de mettre un os dans le nez de celui qui déchire les billets pour le Pavillon des Sessions ?” Et je l'ai planté là. Il n'avait pas l'air content… »
    Il garde, il gardera toujours un os, non dans le nez, mais en travers de la gorge quand il reparlera de l'« homme à l'écharpe rouge ». Et sa rage a transparu, malgré la réserve qu'impose sa fonction, quand il a évoqué ce choc dans son discours prononcé à l'occasion du départ à la retraite de Pierre Rosenberg, le 10 avril 2001. Rappelant les «  débats d'idées où s'opposent, avec vivacité parfois, convictions et certitudes, visions et conceptions, principes et théories », il n'a pu s'empêcher d'évoquer le « domaine de prédilection » du partant, qui est « bien sûr la peinture des xvii e et xviii e  siècles français et italiens ». Il feint de s'esbaudir sur son intimité avec Poussin, Boucher, Chardin, Watteau, La Tour, Fragonard, etc., dont il est le « grand expert mondial », pour mieux l'estourbir en confrontant les deux visions d'un grand musée parisien : « Pour vous, dit-il, le musée de référence dans ses domaines traditionnels, d'une richesse exhaustive : une vision encyclopédique, celle du “musée des musées” ; et moi, modestement, défendant l'idée d'un musée sinon universel, du moins conférant aux œuvres qu'il abrite valeur d'universalité. »
    Devant moi, Jacques Chirac ne recule pas à recruter François Mitterrand pour renforcer son camp contre l'« homme à l'écharpe rouge » et ce qu'il représente. Il remercie son prédécesseur pour tout ce qu'il a fait pour le Grand Louvre : « Il a été le premier à approuver la Grande Pyramide. Il a accompli un travail considérable. Et, grâce à lui, le Louvre est devenu le plus beau musée du monde. Malheureusement, il n'a pas été suivi… » Par qui ? Évidemment par celui qui a fait du Louvre « un bric-à-brac où la culture vous tombe sur la
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