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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée
Autoren: Pierre Péan
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réponses à ses propres interrogations : nous y reviendrons pour tenter de mieux appréhender le « mystère Chirac ».

    Continuons de cheminer sur les multiples voies que le chef de l'État a empruntées depuis sa première visite au musée Guimet pour arriver, un bon demi-siècle plus tard, au musée des Arts premiers du quai Branly. L'école buissonnière ne l'a pas conduit vers le seul musée Guimet et ses prolongements asiatiques. Au cours de son adolescence, parallèlement à la poursuite du cursus classique d'un jeune bourgeois parisien, il a couru les librairies du Quartier latin pour s'initier à l'art moderne, mais aussi à la poésie, notamment grâce aux livres édités par Pierre Seghers, qui deviendra son ami… Il dégagera également du temps pour se familiariser avec la culture des Dogons du Mali, initiation qu'il a amorcée dans l'atelier du peintre Fernand Léger qu'il fréquentait à la fin des années 40, rue Notre-Dame-des-Champs, non loin de la rue de Seine où il habitait. Fernand Léger qui, durant l'entre-deux guerres, s'était inspiré de l'art nègre aussi bien dans sa peinture que dans ses sculptures, dans les ballets et même au cinéma, s'était exilé à New York pendant la guerre. Revenu en France en 1945, il s'était installé à Paris. « Quelques personnages y parlaient beaucoup de l'influence de l'art africain, avec un goût particulier pour la culture des Dogons du Mali. J'ai essayé de m'y initier… », se souvient le président de la République.
    Au fil des ans, Jacques Chirac va aussi se passionner pour les civilisations précolombiennes… « Quelque chose m'a toujours frappé, dit-il. Tous les chefs-d'œuvre naissent libres et égaux ! » Le ton est ferme, à l'évidence le président exprime là un principe essentiel, presque aussi fondamental que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que le petit-fils de quatre instituteurs laïcs porte depuis toujours en lui et avec lui. Et de se lancer dans un exposé des deux conceptions opposées de la transmission de l'art et de la culture. La première est incarnée par l'« homme à l'écharpe rouge » : « Pour lui, en dehors des peintures de quelques décennies des xvii e et xviii e , il n'y a rien. En russe, on dirait que c'est un nye kultura , un sans-culture. » La seconde conception est incarnée par son ami Jacques Kerchache et par lui-même. Et d'utiliser des mots dont il pourrait se servir pour décrire un affrontement militaire. Pour lui, les enjeux de la bataille entre les deux conceptions dépassent la question de la transmission de l'art et de la culture, mais relèvent évidemment du politique. Jacques Chirac reconnaît avoir usé de tout son poids pour battre en brèche la vision dominante incarnée alors par Pierre Rosenberg. Ce choc frontal s'est terminé par sa victoire et par l'installation du Pavillon des Sessions, qui fut la première exposition en France d'arts premiers.
    Au début de cette histoire, a lieu la rencontre de deux hommes. Rencontre improbable, due au seul hasard, entre le maire de Paris et un collectionneur et marchand d'art, dans un hôtel de l'île Maurice, en 1991. Autant le discours public de Jacques Chirac sur ses passions est sophistiqué, autant il s'exprime comme un paysan corrézien pour raconter les différents chocs de sa vie : « On était ensemble à l'île Maurice pendant quinze jours pour passer nos vacances. On a parlé. L'homme est d'une immense culture, basée sur une grande expérience. Avant le petit déjeuner, il avait déjà visionné deux ou trois mille photos de statuettes, sculptures, masques… Il avait un œil extraordinaire, une incroyable sûreté de jugement. Il me montre un jour cinq ou six pierres mégalithiques des Taïnos. Je les trouvais toutes merveilleuses. Lui en prend une et me dit : “Celle-ci est parfaite…” Moi, je ne voyais aucune différence entre elles. »
    Kerchache a été l'un des plus grands, peut-être le plus proche ami de Jacques Chirac. Fils d'anciens ouvriers communistes, ancien conseiller de Léopold Sédar Senghor, devenu l'un des grands spécialistes de l'art primitif, il avait recueilli dès 1990 de nombreuses signatures à l'occasion de la publication de son manifeste « Les chefs-d'œuvre du monde entier naissent libres et égaux » , qui réclamait l'ouverture au musée du Louvre d'un huitième département consacré à cet art. Poètes, scientifiques, connaisseurs, artistes l'avaient rejoint pour
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