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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque
Autoren: Nicolas Remin
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faisait toujours plus mondaine – et les dépenses toujours plus considérables.
    D’un autre côté, on ne pouvait nier qu’à cette occasion, leur hôtel particulier sortait de la léthargie dans laquelle il était plongé d’ordinaire. Des centaines de bougies ainsi que les masques et les robes à paniers créaient l’illusion que le siècle galant n’avait pas pris fin. Du moins jusqu’au moment où le dernier invité partait et que le palais retombait dans le sommeil – comme un vampire, pensa Tron.
    — Peut-être puis-je voir la comtesse cet après-midi ? suggéra-t-il sans conviction.
    La voix de son domestique trahit alors un soupçon d’impatience.
    — La comtesse voudrait en parler maintenant.
    — J’ai mal à la tête.
    — Nous avons déjà prétendu cela dimanche.
    — J’ai des vertiges.
    — C’était vendredi.
    — Dis-lui que je dois m’absenter pour raisons professionnelles.
    — J’ai juré à la comtesse que tu demandais exprès un congé pour lui consacrer du temps ce matin, Alvise.
    Son maître, qui avait maintenant mis son pantalon et son gilet, se tenait devant le lavabo. De la vapeur et un agréable parfum de lavande montaient de la cuvette. Tron plongea un gant de toilette dans l’eau et s’en humecta les yeux et la bouche.
    — En plus, ces bals nous ruinent, soupira-t-il.
    Puis il reposa le gant de toilette sur le marbre du lavabo et s’aspergea le col d’un peu d’eau de Cologne (la vraie, celle de chez « en face de Farina »).
    — Il n’y pas d’argent pour refaire la façade sur le rio 1 Tron, mais pour les serveurs, les petits-fours et le champagne, alors là, oui !
    Le bas du miroir posé sur le lavabo était couvert de buée, de sorte que Tron ne voyait qu’une partie de son visage : son grand nez, ses yeux bleu pâle aux paupières légèrement baissées qui le regardaient et semblaient exprimer un mélange de fatigue et de scepticisme.
    Alessandro s’était approché de son maître et lui tendait sa redingote.
    — As-tu déjà parlé des invités avec la comtesse ? demanda-t-il.
    — Non.
    — Tu n’es donc pas au courant.
    — Quoi donc ?
    — Elle veut inviter le colonel Pergen.
    — Pergen ?
    Tron secoua la tête d’un air incrédule.
    — Comment le connaît-elle ?
    — Elle a fait sa connaissance il y a quelques jours chez Nicolosa Priuli.
    — Étonnant qu’elle reçoive Pergen.
    — Parce que c’est le chef de la police militaire ? voulut savoir Alessandro.
    — Parce que le frère de Nicolosa Priuli était en Sicile avec Garibaldi et qu’il travaille désormais pour le Comité de la Vénétie à Turin, répondit le commissaire. Pourquoi, au nom du ciel, ma mère veut-elle inviter Pergen ?
    — À cause de la villa à Dogaletto. La comtesse s’est plainte de la modicité du loyer que lui verse l’armée et le colonel a promis d’en parler à l’officier de cantonnement. Nous sommes ruinés, Alvise. La comtesse doit encore payer les musiciens et elle ne sait pas comment.
    — Pourquoi ne me dit-elle rien ?
    Le domestique haussa les épaules.
    — Parce qu’elle sait très bien ce que tu penses du bal. As-tu déjà encaissé les loyers ?
    — Je suis passé hier chez les Volpi, les Bianchini, chez Marcovic, chez les Goldini et les Cesto. Chez les Widman, le plafond fuit à nouveau. Je peux donc difficilement exiger qu’ils versent le loyer.
    Tron réfléchit un instant, puis ajouta : — Nous pourrions vendre le Tintoret du salon vert.
    — À Sivry, une fois de plus ?
    — Sivry a toujours bien payé. Et ses affaires sont florissantes. Maintenant, il loue en plus le magasin à côté du sien. Les grands hôtels lui fournissent une clientèle toujours plus nombreuse.
    — C’est le dernier Tintoret que nous ayons, objecta le domestique.
    Tron lui jeta un regard amusé.
    — Cela fait longtemps que nous n’avons plus de Tintoret ! Celui du salon vert est une copie. L’original a été offert à Vienne il y a un siècle. Mais Sivry n’est pas obligé de le savoir.
    Il tira sur les deux extrémités de sa lavallière bleu marine jusqu’à ce qu’elles aient la même longueur.
    — Quel temps fait-il ?
    Au lieu de répondre, le valet ouvrit les rideaux et se recula. Une infinité de petits traits blancs tombaient d’un ciel de ouate gris. Il fallut quelques secondes à Tron pour comprendre ce qu’il voyait.
    — Il a neigé toute la nuit, précisa Alessandro. La cour est déjà blanche.
    — Y a-t-il encore du café à l’étage
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