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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque
Autoren: Nicolas Remin
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l’alcôve à côté du capitaine, une serviette d’un blanc d’albâtre posée sur le bras gauche, comme s’apprêtant à prendre une commande. Landrini, dont le pantalon était trempé jusqu’aux genoux, se demanda comment l’autre faisait pour que son uniforme vert reste toujours aussi impeccable que s’il venait d’être repassé.
    — Le conseiller, continua Moosbrugger de sa voix impassible de maître d’hôtel, ne manquait jamais de répéter que le service lui donnait entière satisfaction.
    Comme d’habitude, on aurait dit qu’il avait taillé et poli avec soin chacune de ses paroles. Quelqu’un qui ne le connaissait pas aurait pu croire qu’il avait de l’humour, mais le capitaine savait qu’il n’en était rien. Le chef steward n’avait pas un brin de fantaisie. Landrini se racla la gorge pour éviter que sa voix ne déraille à nouveau.
    — Et la femme ?
    Il avait détourné les yeux du corps de la défunte, mais il avait du mal à chasser cette image de son esprit.
    Moosbrugger haussa les épaules, l’air désolé.
    — Je suis bien en peine de vous le dire, mon commandant. La cabine n’a été réservée que pour une seule personne.
    — Y avait-il des dames voyageant seules en première classe ?
    Le chef steward réfléchit un instant.
    — Personne, hormis la princesse de Montalcino.
    — C’est elle ?
    — Non, mon commandant.
    — Alors, qui est-elle ?
    — Sans doute quelqu’un de l’entrepont. Je suppose que le conseiller devait discuter avec cette dame quand ils furent surpris par la tempête et qu’elle n’a donc pas pu rejoindre ses appartements.
    L’hypothèse que les deux victimes eussent discuté parut grotesque au capitaine.
    — Reste à savoir ce qu’ils faisaient quand la tempête les a surpris, ironisa-t-il.
    — Que voulez-vous dire, mon commandant ?
    Moosbrugger sourit par automatisme. Son visage prenait cette expression dès qu’un client demandait quelque chose qui appelait des explications. Son supérieur le regarda d’un air moqueur.
    — Je doute fort qu’ils aient été surpris en pleine discussion .
    La bouche du chef steward s’ouvrit avec lenteur, puis se referma. Le capitaine entrevit alors dans ses yeux une lueur d’intelligence.
    — Vous laissez entendre que le conseiller aulique aurait…
    Moosbrugger ravala sa salive pour se donner du courage.
    — … que le conseiller aulique avait fait venir dans sa cabine une femme… du port ?
    — Le train en provenance de Vienne est arrivé à Trieste comme prévu à dix heures.
    Le capitaine constata avec satisfaction qu’il avait recouvré la parfaite maîtrise de sa voix.
    — Le conseiller disposait donc de deux heures pour faire sa connaissance et lui acheter un billet pour l’entrepont.
    — J’ai du mal à croire, répliqua Moosbrugger, que le conseiller à la cour ait reçu une fille du port…
    — Et pourtant, l’interrompit son supérieur, il l’a fait. Mais cela ne paraît pas avoir été du goût de tout le monde.
    Il se tourna brusquement vers la porte.
    — Faites bloquer la première classe, ajouta-t-il. Et fermez ce satané rideau !
    Puis il s’adressa au matelot :
    — Toi, rends-toi au poste de police de Saint-Marc. Dis-leur que nous avons deux morts à bord. Sans doute enverront-ils quelqu’un chercher le commissaire au palais Tron.
    — Ce commissaire habite un hôtel particulier ?
    Si Moosbrugger n’avait pas un peu élevé l’intonation en fin de phrase, Landrini aurait pu prendre sa question pour une affirmation. Ils étaient sortis de la cabine. Le chef steward ferma la porte à double tour. Le capitaine hocha la tête.
    — Oui, le palais appartient à sa mère, la comtesse Tron.
    — Qu’est-ce qui amène un comte à travailler dans la police ? demanda Moosbrugger.
    Le fait qu’un noble qui résidait dans son propre hôtel particulier pût exercer une telle profession semblait plus le déranger que les deux cadavres qu’ils venaient de trouver.
    — Et qu’est-ce qui vous amène à être steward, Moosbrugger ?
    L’interpellé fronça les sourcils.
    — Il faut bien que je gagne ma vie, mon commandant.
    — Eh bien, le comte aussi, conclut Landrini.
    1 - Membre d’un tribunal qui a une juridiction universelle sur tous les sujets de l’Empire germanique. ( N.d.T .)

3
    Le basset de la comtesse, un tuyau baveux de soixante centimètres de long, avait tant bien que mal réussi à se glisser dans l’entrebâillement de la porte et avait traversé en haletant
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