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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol
Autoren: Michel Zévaco
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là :
    – Nous avons été guettés : nous sommes perdus, si vous ne tuez l’espionne.
    – Je suis prêt ! gronde Jean sans Peur en montrant son poignard.
    – Pas dans le palais. Le cadavre nous accuserait. Ni au poignard. Le sang reste !
    – Où et comme vous voudrez !
    Froidement, en quelques rapides et indistinctes paroles, le meurtre a été décidé.
    « Trône et sceptre ! songe Nevers. La gloire ! La puissance ! Et qui sait ? L’empire de Charlemagne restauré ! Le monde sous mon talon !… Et quant à cette fille qui, depuis huit jours, me supplie du regard, qui prétend se prévaloir de ce caprice d’antan… malheur à elle, si elle se trouve sur ma route ! »
    Isabeau, d’un signe, ordonne à Jean sans Peur de l’attendre, et elle se glisse, empressée, funèbre, dans l’obscurité de la galerie, entre dans le couloir, choisit d’un seul coup d’œil, entre dix autres, une porte devant laquelle elle s’arrête. Brusquement, d’un mouvement furieux, elle l’ouvre toute grande…
    C’est la porte de la chambre où loge Laurence d’Ambrun…
    Il nous faut ici conter son histoire. Elle sera brève. Elle pourrait tenir en ces trois mots : « c’était une orpheline ».
    Sa naissance avait tué sa mère. Et elle atteignait sa quinzième année lorsque, en février 1387, mourut son père, le baron d’Ambrun, l’un des plus vigoureux partisans du duc de Berry dans sa lutte contre Philippe duc de Bourgogne, dont Jean sans Peur était le fils aîné. En partant pour l’éternel voyage, d’Ambrun confia Laurence à la veuve de son ami et compagnon d’armes, Tancrède, chevalier de Passavant {1} .
    La veuve, Alice de Passavant, recueillit la demoiselle d’Ambrun et lui fit place en son hôtel de la rue Saint-Martin. Mais, au commencement de 1389, cette noble femme, rongée par le chagrin, s’en fut elle-même rejoindre son bien-aimé Tancrède… Elle laissait un fils dont on venait de célébrer le sixième anniversaire.
    Cet enfant se nommait Hardy, et nul autre nom n’eût pu lui convenir.
    Les deux orphelins, donc, Laurence d’Ambrun et Hardy de Passavant, se tinrent lieu de toute famille : ils furent frère et sœur, elle a l’âge des premiers émois du cœur, lui grandissant de façon plus qu’étrange, en force physique et courage d’âme.
    Tout à coup, à la fin de cette même année 1389, Laurence devint inquiète, agitée, quitta souvent seule le logis, parut souvent les yeux rouges, et pâlit de jour en jour.
    Un soir, elle embrassa Hardy en sanglotant. Puis elle sortit… et ne revint plus !… Ce qui s’était passé, à quel vertige avait succombé la pauvre fille sans mère, sans guide, sans expérience de la vie, on va le savoir.
    Hardy pleura longtemps sa sœur. Puis, l’équitation, l’escrime, la natation, la manœuvre de la lance, de l’arbalète occupèrent sa vie.
    Le temps s’écoula.
    Hardy accomplit sa dixième année.
    Un jour d’hiver, aussi subitement qu’elle était partie, Laurence reparut au logis, mais combien triste et maigrie, pauvre oiseau blessé qui regagnait péniblement l’ancien nid !… Elle était vêtue de noir. Elle portait dans ses bras une petite fille fraîche, rose et souriante. Pour elle-même, et non pour Hardy qui n’entendit pas, elle murmura :
    – Seule, je fusse morte plutôt que de souiller ce cher foyer de ma présence. Mais cet ange, mon Dieu ! Ah ! toute la honte pour moi plutôt que la misère pour elle !…
    Et, arrêtant d’un geste timide les effusions de Hardy, elle demanda en tremblant s’il y avait encore place pour elle au logis Passavant. Pour toute réponse, le petit chevalier assembla ses gens et leur ordonna d’obéir à Laurence comme à lui-même. La gouvernante ayant assuré qu’elle n’obéirait pas fut chassée incontinent. Le gouverneur voulut hasarder une observation. Mais Hardy tira sa dague et le menaça de la lui passer aussitôt tout au travers du corps. La maison trembla, et le chevalier, ayant fait sortir ses gens sans avoir rien compris à leurs mines indignées, essuya les larmes de la pauvre fille.
    Puis il jeta un regard curieux sur l’enfant qu’elle serrait sur son sein avec une sorte de passion farouche.
    – C’est votre fille ? dit-il.
    Laurence, avec une expression d’indicible émotion, leva les yeux au ciel, et, sans répondre, présenta la fillette à Hardy :
    – Elle s’appelle Roselys, murmura-t-elle.
    Hardy demeura les yeux
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