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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol
Autoren: Michel Zévaco
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écarquillés, béant d’admiration, et, enfin, joignant les mains :
    – Qu’elle est belle ! soupira-t-il.
    Une flamme d’orgueil et de joie fugitive éclaira le visage de Laurence.
    Six mois passèrent, au bout desquels Laurence d’Ambrun était redevenue la belle jeune fille qu’elle avait été, mais avec on ne sait quelle profonde mélancolie qui la rendait plus touchante. Elle ne vivait que pour Roselys : avec une intense, une effrayante transfiguration de tous ses sentiments, Laurence s’absorbait en Roselys. Il n’y avait rien dans l’univers : il y avait Roselys !
    Ce fut à ce moment que le hasard, cet anonyme endosseur de la Fatalité, mit la fille du baron d’Ambrun en présence de la duchesse de Berry – la même qui, au fameux bal où le costume du roi fut enflammé par une torche… maladroite, sauva Charles VI en l’enveloppant de son manteau. Par malheur, la duchesse n’avait pas oublié les services rendus à sa maison par le père, mort pauvre – et trop fier pour avouer sa détresse : elle s’inquiéta, questionna, fut sympathique, et promit un poste de fille d’honneur, en même temps qu’une généreuse dot de deux cents écus d’or à la rose, pour le trousseau. Laurence trembla : refuser ce titre que se disputaient les plus puissantes familles, c’était provoquer le scandale et l’enquête ; l’accepter, c’était courir au-devant d’une horrible catastrophe si jamais on découvrait que… Quinze jours après, elle recevait son brevet !
    Bientôt, elle entrait en fonctions.
    Le service – qu’elle partageait avec quinze autres demoiselles de haute noblesse – consistait à habiter près de la reine quinze jours chaque mois : une semaine de jour et une semaine de nuit.
    Laurence d’Ambrun, donc, était demoiselle d’honneur depuis environ dix-huit mois et presque entièrement rassurée sur les dangers qu’elle avait redoutés. Roselys allait sur la fin de sa cinquième année, Hardy achevait ses douze ans, et il en paraissait tout près de quinze.
    Un jour, rentrant de l’Hôtel Saint-Pol, Laurence trouva le logis en émoi ; dans l’après-midi, faisant leur quotidienne promenade, Roselys et Hardy s’étaient approchés du bord de l’eau. La berge était là, très élevée. Un faux pas précipita Roselys dans la Seine. La gouvernante appelait au secours lorsqu’elle aperçut Hardy qui s’était jeté à l’eau, saisissait l’enfant près de couler et la ramenait évanouie sur les bords. La digne matrone raconta par la suite que jamais elle n’avait vu figure plus terrible que celle de Hardy luttant pour sauver sa petite amie.
    Voilà ce que, ce soir-là, apprit Laurence. Elle serra convulsivement dans ses bras Hardy de Passavant, et, dans un mouvement de terreur folle, murmura :
    – Si elle était morte !…
    – Si elle était morte, je serais mort…
    Ceci fut dit d’une telle voix que Laurence tressaillit et jeta un regard profond sur le petit chevalier. Et alors, la vérité lui apparut : l’affection de Hardy pour Roselys avait grandi avec, une vigueur qui la stupéfia et la désespéra. C’était une passion, une de ces fleurs mystérieuses, charmantes et troublantes, que, sans le savoir, les enfants portent quelquefois dans leur cœur comme en une serre impénétrable, inconnue d’eux-mêmes. Laurence fut bouleversée : l’effrayant problème de l’avenir de Roselys pour la première fois, se dressa devant elle.
    Oh ! c’est qu’elle évoquait l’avenir ! l’effroyable moment où cette enfantine affection s’affirmerait en amour, où Hardy voudrait tout connaître de la vie de Roselys, où il questionnerait, où il interrogerait Laurence !… Et où elle serait forcée d’avouer la lamentable vérité :
    Roselys ?… Une fille sans nom !…
    Fille sans nom !… Aujourd’hui, cela se pardonne, oui, peut-être… mais alors !…
    Fille sans nom !… C’était, en ces siècles barbares, l’infamie que nul ne pardonnait ! C’était l’ignominie !
    – Dans trois ans, dans deux ans, songeait Laurence, dans quelques mois, il sera trop tard. Il faut fuir… fuir avant que Hardy ne comprenne… ne demande… Seigneur, sanglotait-elle, « prenez ma vie ! ». Et en échange, « donnez un nom à cette innocente !… ».
    Soudain, au mois de juin de l’an 1395, Laurence d’Ambrun se reprit à vivre.
    Une joie fiévreuse éclata dans ses beaux yeux… Un bruit s’était répandu dans Paris… et en même
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