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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol
Autoren: Michel Zévaco
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il faut qu’elle soit réclamée, adoptée devant l’official…
    Un gémissement de bête qu’on tue – et la reine acheva :
    – Pour cela, il faut que trois jours durant, sous le porche de l’église cathédrale… l’enfant soit exposée !…
    Il y eut alors le geste furieux de Laurence empoignant Roselys à pleins bras, et ce hurlement :
    – MA FILLE !…
    Et ce cri féroce :
    – Ah ! je savais bien que je t’arracherais la vérité ! Je l’ai vu tout de suite que c’est ta fille ! Je l’ai su dès mon premier coup d’œil, comme je sais !… comme je devine le nom de son père ! Le nom de ton amant !… Ta pâleur, tes larmes, tes joies soudaines, tes mystères depuis huit jours qu’il est à Paris, tes regards même, rien ne m’a échappé !… C’est lui ! C’est lui ! Parle ! Avoue ! Crie que c’est lui ! Ou, de par Dieu, je réveille tout l’Hôtel Saint-Pol et je te fais fouetter nue dans la grande cour par les valets de chiens !…
    Et Laurence, d’un accent à faire pleurer :
    – C’est lui !…
    – Jean sans Peur ?
    – JEAN SANS PEUR !…
    De nouveau, ce fut le silence. Toute droite, les bras croisés sur son sein soulevé par des spasmes, pareille à une impératrice des temps néroniens, Isabeau contempla Laurence écrasée à ses pieds.
    Longtemps, elle demeura ainsi.
    Par degrés, comme s’affaissent les houles de l’Océan, le visage d’Isabeau se calma :
    – Pourquoi sous mon toit avez-vous amené la fille de Jean sans Peur ? demanda-t-elle, impassible.
    Laurence avait en elle une pensée vivante encore : Sauver sa fille !
    Alors, sans lever la tête, en quelques paroles, elle évoqua son malheur : comment « il » était venu et avait rôdé autour d’elle, et quelles promesses il avait faites… les quelques mois d’enivrement où elle avait cru au bonheur sur terre… l’irrésistible amour qui s’était emparé d’elle… puis, la naissance de Roselys – et l’abandon ! Et elle dit son incurable désespoir devant l’affreux avenir de sa fille méprisée, honnie, chassée par Hardy, montrée au doigt… Quand Laurence eut ainsi porté sa croix à toutes les étapes de son calvaire, Isabeau, froidement, répéta :
    – Pourquoi au logis de la reine avez-vous introduit la fille de Jean sans Peur ?
    – Pour la sauver ! cria la mère dans une explosion d’amour et de sanglots. Pour lui donner un nom ! Je savais que demain matin, à la première heure, « il » serait à l’Hôtel Saint-Pol… Je voulais le supplier… l’entraîner ici… je pensais que la vue de ma fille, si belle, si pure… sa fille ! sa fille, madame !… j’espérais qu’un mariage… fût-il secret ! donnerait à Roselys un nom… et droit de cité… droit de vie !… Hélas ! Ce que j’ai vu dans la galerie… c’est la mort de ma fille !…
    Isabeau avait tressailli de stupeur. Laurence ne l’entendit pas murmurer :
    – Un mariage ! Cette fille est folle… ou bien ignore-t-elle donc…
    Oui ! Elle ignorait, la malheureuse ! Elle ignorait que, dès l’an 1385, la raison d’État avait donné à Jean sans Peur une épouse qui, d’ailleurs, ne quittait pas Dijon et tenait peu de place dans l’existence de son mari.
    Isabeau songea à foudroyer Laurence d’un seul mot. À ce moment, comme si une dernière espérance eût palpité dans son cœur, la mère de Roselys leva ses bras tremblants et montra un visage éclairé par la plus pure clarté du dévouement maternel.
    – Majesté, râla-t-elle, si vous vouliez… vous !… si ce miracle pouvait se faire… que vous preniez ma fille en pitié… si vous le vouliez… ce mariage…
    – Elle est folle ! se dit tout haut la reine.
    – Non, ma reine, non ! cria Laurence. Je vous comprends. Je sais l’abîme qui me sépare de l’héritier de la couronne de Bourgogne ! Je ne suis pas folle : Je ne songe pas à entrer dans sa vie, sur mon âme, je le jure, oh ! tenez… je jure sur ma fille… S’il lui donne un nom ! Eh bien ! Par les saints ! Par la Vierge ! Je jure que dans l’heure même qui suivra le mariage, je disparaîtrai, et Jean sans Peur sera libre !…
    – Vous disparaîtrez !… Comment ?
    Et avec l’inexprimable, l’auguste simplicité de son sacrifice, la mère répondit :
    – JE ME TUERAI !…
    Isabeau se sentit soudain misérable et toute petite, comme il arrive à l’homme placé devant quelque grandiose spectacle de la nature.
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