Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
qu’elle n’est pas si pendable.
    – En effet, parce que tout ce que Restif m’a rapporté sur vous appelle de ma part la plus confiante et la plus totale ouverture.
    Oh, oh ! songeait Nicolas, le Hibou s’est bien gardé de tout dire.
    – Si vous conservez le moindre regret, renoncez.
    – Non… Plus tard vous pourrez témoigner… Voyez-vous, je suis un vieux Parisien né quai de l’École. Mon père était marchand fourbisseur d’épées. J’ai tâté de tout, poésie, lettres, discours, contes moraux, romans à la mode orientale et même des drames. J’ai commis un écrit qu’on ne saurait baptiser de quelque genre que ce soit ; il préfigure en prémonition tout ce que Paris sera en 2440.
    – C’est bien loin ! Il est peu probable que nous puissions vérifier vos dires.
    – Ce que je vais dire dans mon prochain ouvrage sera contemporain. Le temps présent est gros de l’avenir et les vérités, surtout si elles s’accompagnent des commentaires conséquents, ne sont pas toujours bonnes à publier. Monsieur le commissaire, si j’osais un compliment. Vous avez su haranguer la foule avec autorité et bienveillance, j’ajouterais habileté. Et pour cela vous avez même choisi avec soin votre vis-à-vis, cette grosse réjouie.
    – Monsieur, vous me percez à jour. Quelle perspicacité !
    – C’est délicat le peuple, un rien le retourne. Cependant, on voit bien que tous ces pauvres gens sont des pièces égarées qui ne forment pas un tout.
    – Ce qui signifie ?
    – Que le maintien de cette situation impose à l’État une main de fer.
    – À savoir ?
    – Qu’un jour cette diversité fera corps et alors…
    – Alors ? Le propos est-il si hardi qu’il me faille vous tirer les vers du nez ? plaisanta Nicolas, attentif.
    – Alors, alors, Paris en 2440… J’avoue que c’est une utopie et que nous ne verrons rien de tout cela, quoique… Le Hibou dit souvent : «  Souvenez-vous de la guerre des Jacques, la partie basse de la population fermente quand les autorités ne font que s’agiter en vain . » Il s’étonne, ce voyeur de l’avenir, qu’il n’en sorte pas de ces dévastations qui vous renversent et qui fassent marcher tête en bas et les pieds en haut !
    – Belles et heureuses perspectives, j’en suis, à mon tour, tout renversé. J’en réclamerai à l’occasion quelques détails à Restif.
    – Il demeure que vous avez su lui chanter l’air qu’il souhaitait entendre, à ce peuple-là !
    – Je ne m’y suis guère efforcé. C’est le reflet de mon caractère, de ma conviction et de mon souci de magistrat au service des sujets du roi. Ce sont ses enfants, et des plus malheureux.
    – Voilà bien, on les considère comme des enfants ! Quand on est marquis, la chose est méritoire à défendre !
    – Puisque vous paraissez tout savoir sur moi, apprenez que je suis Le Floch tout autant que Ranreuil.
    – Mon intention était tout autre.
    – J’ai visité les lieux, quelle horreur !
    – Votre courage de descendre dans cet enfer ! Cela aussi c’est Paris, dit l’homme avec une sorte de fièvre. Il y a des spectacles qu’on n’imagine pas.
Comment peut-on rester dans ce sale repaire de tous les vices et de tous les maux, entassés les uns sur les autres, au milieu d’un air empoisonné, de mille vapeurs putrides, parmi les cimetières, les hôpitaux, les boucheries et les égouts. Dans cette continuelle fumée, ce bois brûlé en quantité incroyable, ces vapeurs arsenicales, sulfureuses, bitumeuses qui s’exhalent sans cesse des ateliers où l’on tourmente le cuivre et les métaux. Oui, comment peut-on vivre dans ce gouffre dont l’air lourd et fétide est si épais qu’on le voit et qu’on le sent à plus de trois lieues à la ronde ?
    – Quelle passion ! Monsieur, dit Nicolas souriant, je comprends votre certitude d’être arrêté. Si tout est de la même veine, la censure royale…
    – Monsieur, dit l’homme en soulevant son tricorne. Si je dois être poursuivi, j’ose espérer que ce ne sera pas par vous. Serviteur.
    Du bras, Nicolas le retint.
    – À qui ai-je l’honneur, Monsieur ?
    – Sébastien Mercier. Pour vous servir.

    Dans sa voiture, Nicolas s’interrogeait sur cette curieuse rencontre. Sa première impression était plutôt favorable, cette apparence bonhomme, cette franchise mêlée d’ironie… Ainsi donc ce personnage s’apprêtait à écrire un ouvrage sur Paris, un tableau de la
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher