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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares
Autoren: Hervé Gagnon
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droit acquis à l’oisiveté, je meublais mes journées à errer sur la place du village, prenant encore ma solitude comme une chose normale. Ce jour-là, près d’une maison, quatre garçons s’affrontaient en riant avec des branches qui leur tenaient lieu d’épée. Je souris en m’approchant, espérant naïvement me joindre à eux. Ils s’arrêtèrent et, instinctivement, se réfugièrent derrière Césaire, un gros rougeaud plus âgé que moi. Fils de Clarin, un poulailler dont la famille était parmi les plus pauvres du village, il exerçait sur les autres enfants une autorité naturelle.
    — Je veux jouer, déclarai-je du ton hautain qui était le seul que je connaissais.
    Les yeux de Césaire dardèrent à droite et à gauche pour s’assurer que personne n’était témoin de la scène. Lorsqu’il en fut certain, il ramassa un caillou.
    —    Va-t’en ! satané, grogna-t-il.
    —    Je. Je veux jouer, répétai-je, un peu déconcerté.
    Pour toute réponse, Césaire lança son caillou, qui me frappa à l’épaule. Une vive douleur me parcourut le bras.
    —    Va-t’en ! redit-il. Tu portes malheur.
    J’étais le fils du seigneur et pleurer devant les serfs était hors de question, mais malgré moi je sentis les larmes couler sur mes joues. Après quelques moments d’hésitation, je tournai les talons et m’enfuis, l’humiliation étant beaucoup plus douloureuse que mon épaule.
    —    Satané ! Satané ! chantonnaient en chœur les enfants derrière moi.
    Par orgueil, sans doute, je ne racontai pas l’incident à ma mère. Dès lors, j’évitai Césaire et sa bande de mon mieux et, pendant deux ans, j’y parvins. Puis, un jour que je me promenais dans les bois près du village, je me retrouvai à nouveau face à face avec lui. Je me souviens encore du sourire narquois qu’il m’adressa, entouré de trois garçons et deux filles.
    —    Oh, regardez, c’est petit seigneur ! s’exclama-t-il avec dérision.
    Il fit une révérence pleine d’ironie qui ne me laissa aucun doute sur ses intentions. Pour la première fois, je ressentis la peur. Malgré moi, je regardai aux alentours, espérant apercevoir quelqu’un. Mais il n’y avait personne. Je fis la seule chose que je pouvais : je me redressai, me drapai dans une dignité un peu pitoyable et l’affrontai.
    —    Je suis le fils du seigneur. Écarte-toi, ordonnai-je d’une voix qui tremblait un peu.
    —    Et si je refuse ? rétorqua Césaire en me poussant brusquement dans la poitrine. Tu feras quoi ? Tu iras pleurnicher dans les bras de ton papa ?
    À ce signal, les autres se lancèrent sur moi. Je me débattis maladroitement, mais je me retrouvai vite immobilisé sur le sol, retenu par les bras et les jambes.
    —    Il est bien beau, notre petit seigneur, roucoula Césaire. Il a de si jolis vêtements. Un vrai petit prince. Le cul à l’air, il se sentirait peut-être moins digne.
    Ses compères me déshabillèrent en ricanant et je me retrouvai nu comme un ver. Mes vêtements dans les bras, le gros garçon me toisa, amusé.
    —    Alors, oiseau de malheur ? cracha-t-il, plein de fiel. Tu te sens encore au-dessus des autres ?
    On me lâcha et je tentai de me relever. J’en fus quitte pour une poussée au derrière qui m’envoya face la première dans l’herbe. Encore une fois, des larmes d’humiliation me montèrent aux yeux.
    —    La sage-femme aurait dû te laisser mourir, dit Césaire. Un enfant né voilé, ça amène la malchance sur tout un village. Avant ta naissance, on mangeait bien à Rossal. Et maintenant, on crève de faim. C’est mon père qui le dit.
    Sans prévenir, il lança mes vêtements dans un arbre. Pendant un instant, je crus que sa bande et lui allaient continuer à me battre, mais ils se contentèrent de tourner les talons et de s’en aller en riant. J’essayai d’attraper mes vêtements, mais les branches étaient trop hautes. Je tentai de trouver quelque chose pour me couvrir, sans plus de succès. Honteux et penaud, je dus me résoudre à retourner au village en couvrant mes parties intimes de mes mains et à traverser la place entièrement nu, sous les rires étouffés des villageois.
    Une fois au manoir, je fus accueilli par mon père qui, pour une rare fois, entra dans une terrible colère lorsque je lui relatai ma mésaventure. Je réalise maintenant qu’il était bien plus outré par le fait que l’on ait attenté à la dignité de son héritier
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