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L'Evangile selon Pilate

L'Evangile selon Pilate

Titel: L'Evangile selon Pilate
Autoren: Eric-Emmanuel Schmitt
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ils ne donnent ni l’exact temps ni l’exacte épaisseur qu’il faut à leur texte. S’ils sont aussi nombreux à se tromper, pourquoi échapperais-je à cette errance universelle ?
    Ensuite, je sais que je n’écris que ce que j’entends. Les phrases me viennent à l’oreille, avec leur galbe, leur rythme, leur souffle, souvent très brèves, parfois plus amples, leur débit variant en fonction de ce qu’elles expriment ou de leur place dans la scène, le paragraphe. Ce bureau que Flaubert appelait son « gueuloir » parce qu’il y braillait ses textes à voix haute afin de vérifier leur équilibre, j’aurais tendance, moi, à l’appeler mon « écoutoir » car je m’y tais pour tendre l’oreille à mon imaginaire. Écrivain oral, dont les textes me sont prononcés intérieurement, je trouve légitime de les destiner à la scène où les acteurs leur redonneront voix ; en revanche, l’idée d’être lu dans le silence d’une chambre ou le brouhaha d’un salon me terrifie : va-t-on l’entendre ?
     
    Un pied dans le mysticisme, l’autre dans la raison.
     
    Je ne suis qu’un lecteur occasionnel de romans policiers, mais un lecteur alors fervent : il en reste quelque chose dans mon écriture. Ainsi, mon Pilate mène l’enquête comme un détective privé américain.
    Cependant, si je joue avec la structure du roman policier, je ne la respecte pas. Un roman policier, dans la mesure où il ne pose qu’une question dont la réponse existe, s’achève par une réponse close, définitive. L’Évangile selon Pilate finit non par la résolution du mystère mais par son épaississement.
    Un anti-roman policier, en quelque sorte…
     
    Livre achevé. J’ai posé la dernière phrase, celle que je connaissais avant même la première, celle avec laquelle j’avais rendez-vous depuis des mois.
    Demain j’irai marcher plusieurs heures. Besoin de faire revivre ce corps, qui ne me sert plus à rien lorsque j’écris.
    Bruno M. lit le texte avant tout le monde.
    Quoiqu’il se déclare passionné, je ne sais s’il l’aime vraiment.
    À mon avis, lui non plus ne le sait pas. Cette terrible pression, cette responsabilité d’être le premier lecteur parviennent à le faire douter de son propre jugement.
    Serge S. et Nathalie M., mes amis, accueillent mon roman avec enthousiasme. Ils me disent des choses si belles que j’ai, un instant, l’impression d’avoir réussi ma vie.
    Merci.
     
    Envie de revenir sur les dernières phrases du livre :
    « Ce matin, je disais à Claudia qui se prétend – sache-le – chrétienne, qu’il n’y aura jamais qu’une seule génération de chrétiens : ceux qui auront vu Yéchoua ressuscité. Cette foi s’éteindra avec eux, à la première génération, lorsqu’on fermera les paupières du dernier vieillard qui aura dans sa mémoire le visage et la voix de Yéchoua vivant.
    — Je ne serai donc jamais chrétien, Claudia. Car je n’ai rien vu, j’ai tout raté, je suis arrivé trop tard. Si je voulais croire, je devrais d’abord croire le témoignage des autres.
    — Alors peut-être est-ce toi, le premier chrétien ? »
    Telle est la violence du christianisme : après la disparition du Christ, la Révélation est close.
    Il est la Révélation. Ensuite, elle ne se révèle plus directement. Elle suppose la médiation des textes, des hommes qui les écrivent, qui les copient, qui les interprètent, qui les commentent. Le christianisme exige une double confiance : une confiance en Dieu et une confiance en l’homme.
    Quiconque s’estime plus intelligent ou plus malin que tous ceux qui l’ont précédé ne peut devenir chrétien. Je crains que notre époque narcissique, qui se flatte de valoir mieux que toutes les précédentes, ne soit mauvaise pour transmettre ce message. Sans une certaine humilité, sans l’attention aux témoignages, sans une considération minimale pour les croyances antérieures, on ne peut connaître Jésus.
    Le christianisme a besoin de nos vies pour vivre, de notre mémoire pour sa mémoire.
    C’est une œuvre collective et perpétuellement recommencée.
     
    Drame chez Albin Michel.
    Il semblerait qu’une partie des conseillers littéraires regrettent que je ne me contente pas de la deuxième partie du livre, celle consacrée à Pilate. Je conteste violemment cette analyse et, pour la première fois depuis que je le connais, j’inflige ma colère à Richard Ducousset. Quoiqu’il m’assure d’emblée partager
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