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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis
Autoren: Steven Saylor
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de ton patron ira jusqu’à
le nourrir et à lui fournir un endroit où dormir.
    Il
regarda Eco par-dessus son épaule. Son œil afficha un certain scepticisme.
    — Mais
ce n’est qu’un enfant.
    — Eco a dix-huit
ans. Il a revêtu sa première toge virile [8] il y a deux ans.
    — Il
est muet, n’est-ce pas ?
    — Oui.
C’est idéal pour un soldat, je pense.
    Mummius
grommela.
    — Je
pense que tu peux le prendre.
    — Quand
partons-nous ? demandai-je.
    — Dès
que vous êtes prêts.
    — Demain
matin, alors ?
    Il
me regarda comme si j’étais un légionnaire paresseux réclamant un petit somme
avant une bataille.
    — Non,
dès que vous êtes prêts ! trancha-t-il de son ton de commandement. Nous
avons déjà perdu assez de temps !
    — Très
bien, bâillai-je. Je vais demander à Bethesda de rassembler quelques-unes de
mes affaires…
    — Ce
ne sera pas nécessaire.
    Mummius
se dressa de toute sa hauteur. Malgré sa fatigue manifeste, il semblait joyeux
d’avoir enfin la situation en main.
    — Tout
ce dont tu as besoin te sera fourni.
    Naturellement !
Un client prêt à payer quatre cents sesterces par jour peut certainement
fournir le nécessaire : des habits de rechange, un peigne, et même un
esclave pour porter mes affaires.
    — Alors
je vais simplement dire au revoir à Bethesda.
    Je
m’apprêtai à sortir de la pièce, quand Mummius s’éclaircit la voix.
    — Une
chose encore, dit-il, en posant tour à tour son regard sur moi et sur Eco, j’espère
qu’aucun de vous n’est sujet au mal de mer.

2
    — Où
vous emmène-t-il ?
    Bethesda
exigeait de savoir. Oui, elle « exigeait », sans se soucier de son
statut de simple esclave. Et si son impertinence vous semble incroyable, c’est
que vous ne connaissez pas encore ma Bethesda.
    — Et
puis, qui est cet homme ? Qu’est-ce qui te fait croire qu’on peut lui
faire confiance ? Et si un de tes vieux ennemis lui avait demandé de t’attirer
loin de la ville pour te trancher la gorge ?
    — Écoute,
Bethesda, si quelqu’un voulait me trancher la gorge, il n’aurait pas besoin de
se poser tant de problèmes. Il lui suffirait de faire le travail ici, dans le
quartier de Subure [9] . On peut y embaucher un tueur à tous les coins de
rue.
    — Oui,
et c’est pour ça que Belbo est là pour te protéger. Pourquoi ne l’emmènes-tu
pas ?
    — Parce
que je préfère qu’il reste ici pour te protéger, toi et les autres esclaves par
la même occasion. Ainsi je n’aurai pas à m’inquiéter pendant mon absence.
    Même
arrachée à son sommeil au milieu de la nuit, Bethesda était splendide. Sa
chevelure noire, parsemée de filaments d’argent, tombait en cascade de chaque
côté de son visage. Même boudeuse, elle conservait cet air de dignité
inébranlable qui m’avait d’emblée attiré vers elle, sur le marché aux esclaves
d’Alexandrie, quinze ans plus tôt. Un frisson d’inquiétude me parcourut. C’était
la même chose, chaque fois que je m’éloignais d’elle. Le monde est un théâtre
incertain, voire périlleux, et la vie que j’ai choisie court souvent au-devant
du danger. Mais j’avais appris depuis longtemps à ne pas montrer mes doutes ni
mes inquiétudes. Bethesda faisait tout le contraire.
    — C’est
une grosse somme d’argent, lui dis-je.
    Elle
renâcla :
    — S’il
dit la vérité.
    — A
mon avis, c’est le cas. Un homme ne survit pas si longtemps dans une ville
comme Rome sans acquérir un peu de jugeote. Marcus Mummius est honnête, pour
autant qu’il puisse l’être. Pas très chaleureux, je l’admets…
    — Mais
il ne t’a même pas dit qui l’envoyait !
    — C’est
vrai. Mais il m’a tout de suite précisé qu’il ne me le dirait pas. Autrement
dit, il ne m’a pas trompé.
    Bethesda
fit un petit bruit vulgaire avec ses lèvres.
    — Tu
ressembles à l’un de ces orateurs pour lesquels tu travailles, comme ce
ridicule Cicéron. Ces gens qui disent que la vérité est un mensonge et un
mensonge la vérité, quel que soit le contexte.
    Je
me mordis la langue et inspirai profondément.
    — Fais-moi
confiance, Bethesda. Je suis resté en vie jusqu’à maintenant, non ?
    Je
la regardai au fond des yeux. Derrière sa froideur extérieure, je crus
apercevoir une lueur chaleureuse. Je posai ma main sur son épaule. Elle fit
mine de l’ignorer et se détourna. Cela se passait toujours ainsi.
    Alors
je me rapprochai et posai mes mains dans le creux de sa
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