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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
Autoren: James Fenimore Cooper
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parce que j’ai apprécié de bonne heure votre caractère qui ne m’a jamais trompé. Vous seul vous connaissez mes agents secrets dans la ville, et de votre fidélité dépend non seulement leur fortune, mais leur existence.
    Il se tut un instant, comme pour réfléchir aux moyens de rendre complète justice au colporteur, et continua ainsi qu’il suit :
    – Parmi tous ceux que j’ai employés, vous êtes du petit nombre de ceux qui ont constamment servi notre cause avec fidélité. Tandis que vous passiez pour espion de l’ennemi, vous ne lui avez jamais appris que ce qu’il vous avait été permis de divulguer. Moi seul, moi seul dans le monde entier, je sais que vous avez toujours agi avec un entier dévouement à la liberté de l’Amérique.
    Pendant ce discours, la tête du colporteur s’était redressée peu à peu, et sa taille avait repris toute son élévation. La rougeur avait animé ses joues, de plus en plus vive à mesure que le général continuait à parler. Sa contenance annonçait une noble fierté et une vive émotion mais ses yeux restaient humblement fixés sur la terre.
    – Mon devoir m’ordonne aujourd’hui de vous récompenser de vos services. Vous avez refusé jusqu’ici de recevoir votre salaire, et la dette est devenue considérable. Je ne désire pas mettre à trop bas prix les dangers que vous avez courus. Prenez ceci, et si vous trouvez la récompense peu proportionnée à vos services, vous vous souviendrez que notre pays est pauvre.
    Le colporteur leva les yeux sur le général avec un air de surprise, tandis que celui-ci lui offrait le petit sac rempli d’or, et il fit quelques pas en arrière, comme s’il eût craint de se souiller en y touchant.
    – Je conviens, dit le général, que c’est peu de chose en comparaison de vos services et des risques que vous avez courus, mais c’est tout ce que je puis vous offrir. À la fin de la campagne, je pourrai peut-être y ajouter quelque chose.
    – Jamais ! s’écria Harvey avec force. Croyez-vous que ce soit pour de l’argent que j’ai agi ?
    – Et quel a donc pu être votre motif ?
    – Quel motif a fait prendre les armes à Votre Excellence ? Quel motif vous porte à vous exposer tous les jours, toutes les heures à perdre la vie dans un combat, ou à subir la mort des traîtres ? Qu’ai-je donc tant à regretter, quand des hommes tels que Votre Excellence ont tout risqué pour notre pays ? Non, non, je ne toucherai pas un seul dollar de l’or que vous m’offrez ; la pauvre Amérique a besoin de tout.
    Le sac d’or échappa des mains du général, tomba aux pieds du colporteur, et il resta oublié sur le plancher pendant tout le reste de cette entrevue. L’officier regarda Harvey en face, et lui répondit :
    – Ma conduite a pu être déterminée par des motifs qui ne peuvent influer sur la vôtre. Je suis connu comme chef de nos armées, et vous descendrez dans le tombeau avec la réputation d’avoir été l’ennemi de votre pays natal. Souvenez-vous que le voile qui couvre votre véritable caractère ne peut être levé d’ici à bien des années, que vous ne verrez peut-être jamais ce moment.
    La tête d’Harvey retomba de nouveau sur sa poitrine, mais sans que rien annonçât qu’il eût changé de résolution.
    – Le printemps de votre vie est passé ; la vieillesse va vous surprendre ; quels moyens de subsistance avez-vous ?
    – Les voici, répondit le colporteur en étendant ses mains endurcies par le travail.
    – Mais ces moyens peuvent vous manquer ; acceptez ce qui peut être une ressource pour votre vieillesse ; songez à vos fatigues, à vos périls. Je vous ai déjà dit qu’il existe des hommes respectables dont la vie et la fortune dépendent de votre discrétion. Quel gage puis-je leur donner de votre fidélité ?
    – Dites-leur, dit Birch en s’avançant, et en plaçant sans intention un pied sur le sac d’or, que j’ai refusé d’accepter de l’argent.
    Un sourire de bienveillance anima les traits calmes du général. Il saisit la main du colporteur, et la serra affectueusement.
    – Harvey, lui dit-il, je vous connais à présent ; et quoique les mêmes raisons qui m’ont forcé à exposer votre vie précieuse existent encore, et m’empêchent de vous rendre publiquement la justice que vous méritez, je puis toujours être votre ami en particulier. Ne manquez donc pas de vous adresser à moi, si jamais vous vous trouvez dans le besoin ou dans la
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