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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera
Autoren: Michel Peyramaure
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    — Jeune homme, je sens que vous n’avez pas la conscience tranquille. Vous avez été surpris par la police en train de voler ? Ça m’étonnerait. Vous l’avez peut-être été par le mari, ce qui est possible. Ou alors vous pourriez être un de ceux qui ont débarqué l’autre jour et ont fichu une sacrée pagaïe dans la ville… Je me trompe ?
    Je hochai la tête. Elle poursuivit, en me tutoyant :
    — À mon âge, jeune homme, j’aime pas les histoires, mais je vais pas te laisser embarquer par la police. Cache-toi dans l’arrière-boutique, le temps que je réfléchisse.
    Elle laissa passer une heure et, certaine que l’on ne viendrait pas nous déranger, elle me libéra en me disant :
    — Je vais t’aider à sortir de Marseille sans risquer ta peau, mon chéri. Suffit que tu te déguises en jardinier. Tiens, prends ces frusques !
    Elle lança à mes pieds un pantalon aux revers terreux, une chemise sale, un tablier bleu, une paire de galoches et un chapeau de paille à large bord effrangé.
    — Tu as une brouette devant la boutique. Tu vas y entasser des pots vides et une sarclette. Et ouste ! Je veux plus te voir.
    Elle m’indiqua où trouver la porte ouvrant sur la route de Montpellier et, à une lieue de la ville, sur les plantations de Lambert, son fournisseur. Je fis le chemin sans encombre et déposai chez ce brave homme les frusques et la brouette, que je n’entendais pas pousser jusqu’à Puymège ! Lambert me fit bon accueil et m’offrit de rester dîner chez lui, avec ses employés. J’appris au cours du repas que ma bienfaitrice se nommait Irène Castaldi et qu’elle avait un cœur « gros comme le château d’If », avec (là, un clin d’œil) « de la place pour beaucoup de monde »…
    — Le coup de la brouette, me dit Lambert, sûr que c’est d’elle. Alors je vais te donner un supplément de chance. J’ai une livraison à faire demain à Salon. Tu pourras prendre la route avec mon fils. Ça te fera quelques kilomètres en moins dans les jambes et tu passeras inaperçu. Faudra partir de bonne heure pour profiter de la fraîche.
     
    Ainsi allait débuter une longue errance. J’en accomplis la majeure partie à pied, non sans traîner la jambe, en compagnie d’un groupe de séminaristes de Brioude, enfin dans une carriole de marchand de fromages du causse. J’étais dans un tel état de fatigue, en arrivant à Brive, que je ne me sentis pas le courage de franchir les deux lieues me séparant de Puymège.
    Je fis halte pour la nuit à l’auberge de la Crémaillère d’Or, sur la route de Paris, et en repartis le lendemain, jour de marché, en fin de matinée, dans la carriole d’un maraîcher qui revenait à Larche après avoir vendu sa production.
    J’avais une telle hâte de me retrouver chez moi que j’aurais marché à quatre pattes pour y parvenir, même sous la pluie qui, ce jour-là, tombait à seaux.

2
Le goût amer de la liberté
    En faisant à pied la route qui me conduisait de Larche, où le maraîcher m’avait laissé, jusqu’à Puymège, j’avais l’impression de marcher sur un tapis de nuages et de pénétrer dans un temps élastique. Il me fallut trois heures pour cette randonnée d’une demi-lieue qui, à cheval, m’eût pris moins d’une heure.
    À Larche, où je m’étais arrêté le temps de prendre du tabac et de boire une chopine de bergerac, personne ne me reconnut. Il est vrai que ma barbe avait repoussé, me donnant un air patibulaire, et que je flottais dans l’habit du fils Nesti, qui devait être un colosse.
     
    C’est le cœur serré que j’aperçus, en sortant de Saint-Cernin, la silhouette de la Vierge de Fournet, dessinée dans un brouillard de pluie tel un lavis.
    Je trouvai clos le portail du château ouvrant sur l’allée de troènes, qui paraissaient n’avoir pas été taillés depuis des années. Il était doté d’un cadenas et d’une chaîne, précaution superflue, car la palissade était abattue par endroits. L’herbe avait poussé dans l’allée, des feuilles mortes recouvraient le bassin. La charmille sous laquelle Juliette et moi nous reposions à la saison chaude, pour lire ou faire la sieste, s’était effondrée.
    Autant d’indices révélateurs d’un abandon. Cette certitude se confirma lorsque je débouchai dans la cour envahie par la broussaille.
    Agiter la cloche
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