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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts
Autoren: Norman Mailer
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uniformes sur le fond gris-bleu du canot, il éprouva le besoin de rester immobile et d’aspirer profondément à plusieurs reprises. La sueur coulait le long de son dos.
    « Ça sera-t-il long encore ? voulut savoir Gallagher. Cette sacrée armée : dépêche-toi et attends, dépêche-toi et attends. »
    Red alluma une cigarette, la cinquième depuis que leur canot avait été mis à la mer. Elle avait un goût insipide et déplaisant. « Qu’est-ce que tu crois ? dit-il. Je parie qu’on est pas rendus avant dix heures. » Gallagher jura.
    Il n’était pas encore huit heures.
    « Ecoute, reprit Red. S’ils savaient vraiment comment s’y prendre, on serait maintenant en train de casser la croûte, et on monterait dans ces caissons dans deux heures seulement. » Il secoua la cendre de sa cigarette : « Mais, voilà, un fils de garce de lieutenant nous a fait quitter le sacré bateau pour avoir la paix et pouvoir roupiller tranquille. » De propos délibéré, il parlait d’une voix assez forte pour être entendu du lieutenant de la section des communications, et il rit quand l’officier eut tourné le dos.
    Le caporal Toglio, accroupi près de Gallagher, regarda
    Red. « On est bien plus à l’abri ici, expliqua-t-il avec ardeur. Un canot est une bien petite cible comparé à un bateau, et quand on bouge comme ça il est bien plus difficile de nous toucher que tu ne penses.
    – Mes balles, grommela Red.
    – Ecoute, dit Brown, y a pas une fois que je serais pas plutôt sur ce bateau. Je pense que c’est sacrément plus sûr.
    – Je me suis renseigné, protesta Toglio. Les statistiques prouvent que pendant une invasion on est bien plus à l’abri ici que n’importe où ailleurs. »
    Red détestait les statistiques. « Cite pas des chiffres, dit-il au caporal Toglio. Si on les écoutait, on prendrait plus un bain vu que c’est trop dangereux.
    – – Non, je parle sérieusement », dit Toglio. C’était un Italien lourdement taillé, avec une tète en forme de poire, plus large de la mâchoire que des tempes. Quoique rasée de la veille, sa barbe bleuissait sa figure jusque sous ses yeux, avec la seule exception de sa bouche large et amicale. « Je parle sérieusement, insista-t-il. J’ai vu les statistiques.
    – Tu sais ce que tu peux en faire », dit Red.
    Toglio sourit, mais il était un peu ennuyé. Red était un bien brave type, pensait-il, mais trop indépendant. Où en serait-on, si tout le monde était comme lui ? On n’arriverait nulle part. Il fallait la coopération en toute chose. Une invasion comme celle-ci était mise au point selon un plan, elle était efficace comme un horaire. On ne pourrait pas faire marcher les trains si les mécaniciens prenaient le large chaque fois qu’ils en auraient l’envie.
    Cette idée l’impressionna. Il avait déjà pointé sur Red un de ses gros, puissants doigts en vue de lui dire son idée, quand, soudain, un obus japonais, le premier depuis une demi-heure, souleva une colonne d’eau à quelques centaines de mètres de là. Le bruit, étonnamment fort, les fit tous tressaillir. Dans le silence total qui s’ensuivit, la voix tonitruante de Red se fit entendre d’un bout à l’autre de l’embarcation : « Hé, Toglio, si je devais compter sur toi pour sauver ma peau, y a un an que je serais en enfer ! » Le rire dont il fut l’objet embarrassa Toglio, mais il s’efforça de sourire à son tour. Wilson résuma la situation, en disant de sa molle voix : « Toglio, tu peux toujours calculer un tas de manières de faire une chose, ça sort quand même tout entortillé. J’ai jamais vu un homme si têtu pour rien du tout. »
    Toglio se dit que ça n’était pas vrai, Il aimait que les choses fussent faites comme il se devait, et tout simplement ces gars n’y comprenaient rien. Quelqu’un comme ce Red ruinait toujours votre travail en faisant rire tout le monde.
    Soudainement, le régime du moteur augmenta, et le canot, après avoir complété un cercle, piqua en vrombissant vers la côte. Tout de suite lès vagues commencèrent à cogner sur le mur de devant, et une longue cascade d’embrun arrosa les hommes. Il y eut un gémissement de surprise, suivi d’un silence. Croft enleva son fusil et mit un doigt sur le canon pour le tenir à l’abri de l’eau. Le temps d’une seconde il se sentit comme s’il montait un cheval au galop. « Nom de Dieu, on y va, fit quelqu’un.
    « J’espère au moins que ç’a
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