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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts
Autoren: Norman Mailer
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savez tous où c’est, mais de toute façon on y ira tous ensemble. Si un homme découvre tout à coup qu’il a oublié quelque chose en bas, ce sera merde et remerde : personne reviendra sur ses pas.
    – Voui les gars, oubliez pas vos capotes », suggéra Red. Tous rirent. Croft parut en colère pour une seconde, mais il dit d’une voix traînante : « Je sais que Wilson n’oubliera pas les siennes. » Ils rirent de nouveau. « T’as foutrement raison », s’ébroua Gallagher.
    Wilson poussa un petit rire contagieux. « Je te dirai, fit-il. J’y laisserai plutôt mon flingue, parce que si jamais y avait un bout de môme sur cette plage là-bas et que j’ai pas mes capotes, je me flanque une balle tout de suite. »
    Martinez sourit, mais leur rire l’irritait. « Qu’est-ce qui va pa, s, mange-Japonais ? » demanda Croft d’une voix égale. Leurs yeux se rencontrèrent dans un regard intime de vieille amitié. « Aaah, sacré estomac pas aller », dit Martinez. Il énonçait clairement, mais d’une voix basse et hésitante, comme s’il traduisait de l’espagnol au fur et à mesure. Croft le dévisagea de nouveau, puis revint à ses hommes.
    Le regard de Martinez errait par le poste. A présent que les hamacs étaient roulés et amarrés, l’inhabituelle largeur des passages entre les couchettes le mettait vaguement mal à son aise. Il songea que cela ressemblait aux passages entre les casiers de livres à la grande bibliothèque de San-Antonio, et cela lui rappela une chose déplaisante –quelque fille qui lui avait parlé sur un ton blessant. « Je m’en fiche si j’en meurs, si j’en meurs », traversa de nouveau son esprit. Il se secoua. Quelque chose de terrible allait lui arriver aujourd’hui. Le bon Dieu vous laisse toujours voir sa bonté, et vous devez… veiller, devez faire attention à vous-même. Il s’adressa la dernière partie de la phrase à lui-même, en anglais.
    La fille était bibliothécaire et elle avait cru qu’il essayait de voler un livre. Il était bien petit alors. Il prit peur et répondit en espagnol, et elle l’avait réprimandé. Il y eut une contraction dans ses jambes. Elle m’avait fait pleurer, il s’en souvenait. Nom de Dieu de fille. A présent il aurait su lui répondre. Il en ressentit une agréable sensation de méchanceté. La petite bibliothécaire, maintenant, il lui aurait craché dessus. Mais les passages entre les casiers de livres redevinrent une cale à troupes, et Martinez retrouva sa peur.
    Un sifflet retentit, qui le fit sursauter. « Hommes pour le canot quinze ! » cria une voix dans l’écoutille. Une section démarra, grimpant l’échelle. Tout autour les voix s’étaient tues, et Martinez put sentir que chacun était tendu à l’extrême. Pourquoi ne les appelait-on pas ? se demanda-t-il, haïssant la tension accrue qui venait de l’attente. Quelque chose allait lui arriver. Cela, maintenant, il le savait.
    Leur tour vint une heure plus tard. Ils montèrent l’échelle, attendirent en rang près de la trappe une longue minute que l’ordre leur fût donné d’avancer vers leur embarcation. Le pont était très glissant dans la brume matinale, et tout en avançant pesamment ils trébuchaient et juraient. Quand ils eurent atteint leur embarcation, ils formèrent une ligne brisée et attendirent de nouveau. Red frissonnait dans l’air frais du matin. Il n’était pas encore six heures, et le jour avait déjà la déprimante qualité des petits matins à la caserne. Et maintenant cela signifiait qu’ils étaient en route, cela signifiait quelque chose de neuf, quelque chose de déplaisant.
    Sur le navire, les opérations de débarquement allaient un train inégal. Quelques embarcations d’assaut étaient déjà à la mer, remplies de troupes et circulant autour du navire comme chiots sur laisse. Là-dedans les hommes agitaient la main vers le pont, leurs faces couleur chair irréelles, sur le fond gris des canots, et le fond bleu de la mer matinale. L’eau était d’un calme d’huile. Près de la section un groupe d’hommes abordait une embarcation, et une autre, ayant fait son plein, commençait sa descente dans un grincement de poulies. Et, partout sur le pont, des hommes attendaient leur tour.
    Les épaules de Red commençaient à s’engourdir sous le poids de son équipement, et le canon de son fusil résonnait contre son casque. Il se sentait de mauvais poil. « T’as beau le porter une chiée de
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