Les noyés du grau de Narbonne: une enquête d'Erwin le Saxon

Naro, qui aurait précédemment désigné le fleuve lui-même, lequel fut ensuite appelé Atax par les conqué≠rants.
    Peuplée par des colons originaires d'Italie centrale, la ville, située au carrefour de la voie Domitienne se dirigeant vers le nord et de la voie Aquitaine menant vers l'ouest, et ayant à sa disposition un ensemble de ports bien abrités auxquels, depuis les installations flu≠viales de Narbonne même, on pouvait accéder par l'Aude, se développa rapidement. Son peuplement romain fut renforcé par César qui y installa, en 48 av. J.-C., des vétérans ayant appartenu à la glorieuse dixième légion. La prospérité
    de Narbonne y attira bientôt non seulement des négociants, mais aussi des financiers, des hommes d'affaires et des trafiquants, tandis que se tissaient et se renforçaient des liens entre les parvenus de ce pays et l'aristocratie romaine.
    Cette réussite fut couronnée par la désignation de Narbonne comme siège du gouvernement de la Provin-cia romana, à la fois chef-lieu politique, centre admi≠nistratif, judiciaire, et place militaire que Cicéron qua≠lifia d'observatoire et rempart du peuple romain ". Dès lors, sa population s'accrut encore en nombre et en importance, ajoutant aux fondateurs italiens et romains, qui n'avaient pas éliminé la composante ibère, des indigènes qui pouvaient acquérir la citoyen≠neté romaine ainsi que des allogènes, notamment des Grecs et des Orientaux, apports qui accentuèrent l'aspect cosmopolite de la ville.
    A partir du règne d'Auguste, qui séjourna dans la ville, Narbonne, dont les activités commerciales et financières se développaient encore, connut un essor tel que tout le territoire s'étendant des Alpes à la Garonne et aux Pyrénées prit le nom de Narbonnaise. La ville fut promue métropole religieuse du culte impérial pour toute la Province.
    Au iif siècle, après des décennies de prospérité, elle fut menacée par les Alamans qui, en deux vagues suc≠cessives, envahirent la Gaule pour se diriger, après l'avoir pillée, les uns vers l'Italie, les autres vers l'Espagne. Ces derniers traversèrent la Narbonnaise en épargnant toutefois la cité, dotée de remparts.
    La Province retrouva un calme relatif jusqu'à l'irruption, au ve siècle, des Vandales, des Suèves et des ¿lains, qui exercèrent leurs ravages sur tout le nord de la Gaule, avant de passer en Espagne, mais à l'ouest des Pyrénées. Une nouvelle fois, elle échappait au pire.
    En 410, les Wisigoths, après s'être emparés de Rome, remontèrent la péninsule italique, franchirent les Alpes et pénétrèrent dans le sud de la Gaule. Leur roi Athaulf entra dans Narbonne sans coup férir et fut reçu par les magistrats de la cité comme un général romain. Il y épousa Galla Placidia, demi-súur de l'empereur Honorius, au cours de noces célébrées avec faste. La ville et sa région, sous la menace des Wisi≠goths, connurent des fortunes diverses jusqu'à ce qu'elles leur soient cédées par Agrippinus, généralis≠sime de ce qui restait des armées romaines. Occupée pacifiquement par ses nouveaux maîtres, Narbonne allait demeurer wisigothique pendant deux siècles et demi, non sans péripéties dramatiques.
    Au milieu du ve siècle, elle apparaît encore comme une cité de tradition romaine avec, à l'intérieur de ses remparts, des hôtels particuliers prestigieux et, alen≠tour, de riches domaines o˘ habitent des propriétaires fonciers appartenant à la noblesse d'empire. Le christianisme, qui s'est implanté dans la Narbonnaise à par≠tir du me siècle, a acquis peu à peu des positions émi-nentes. A la fin du ve siècle on compte déjà à Narbonne, outre une cathédrale, sept églises et, à proximité, cinq basiliques ainsi que de nombreux monastères. Autour de l'évêque, dont l'autorité n'a cessé
    de s'affirmer, prospère un clergé nombreux. Les Wisigoths, qui se fixent comme modèle la civilisation romaine, veulent faire de leur résidence royale une métropole religieuse et un centre intellectuel.
    Cependant, au début du vie siècle, les Francs s'emparent de Toulouse et les Burgondes, alliés de ceux-ci, de Narbonne qui finit par perdre son rang de capitale wisigothique au profit de Barcelone, puis de Tolède. Elle assume alors le rôle de capitale de la Sep-timanie, marche gothique située au nord des Pyrénées, de nouveau gouvernée par les Wisigoths.
    L'opposition entre les Francs et ces derniers avait été