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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable
Autoren: Christopher John Sansom
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principal », lança un client, ce qui fit rire les autres. Je me levai et montai discrètement dans ma chambre.
    En arrivant au bord du fleuve, j’ôtai ma toque et m’épongeai le front. La canicule était revenue quelques jours après la chute de Cromwell et n’avait pas faibli depuis. Je scrutai les degrés menant à l’embarcadère. Barak m’attendait à l’endroit que je lui avais indiqué dans ma réponse. Ses cheveux avaient repoussé et, avec son meilleur pourpoint, il avait fière allure. Son épée était passée à sa ceinture, comme de coutume. Il se tenait un peu à l’écart des gens qui attendaient des bateaux et, penché sur le parapet, regardait d’un œil pensif l’activité du fleuve. Je lui tapai sur l’épaule et, quand il se retourna, son visage sérieux se fendit en un large sourire. Il tendit une main.
    « Comment vous portez-vous ? demanda-t-il.
    — Je suis tout à fait remis, Barak. J’ai été au calme. Vous avez bonne mine.
    — Ah ! je suis revenu à la Vieille Barge, et content d’y être. L’Essex est trop tranquille pour moi. Toute cette campagne, ces vastes horizons, cela vous donne mal à la tête rien qu’à les regarder.
    — Je vous entends fort bien. » Et de fait, mon séjour à la ferme m’avait guéri de tout désir d’un retour définitif aux champs. À force de me promener dans la campagne desséchée, d’écouter les sempiternelles plaintes sur le temps de mon père et de son intendant, je commençais à piaffer. Et, comme le disait Barak, ces horizons vides à perte de vue avaient quelque chose d’angoissant.
    « Notre vieux maître est mort il y a deux jours, le saviez-vous ? demanda-t-il, la mine assombrie.
    — Oui, répondis-je en baissant la voix. J’ai entendu dire que l’exécution avait été une boucherie.
    — C’est vrai. J’y ai assisté. On a fait bouillir sa tête, qui est maintenant exposée au bout d’une pique sur le London Bridge, et tournée vers Southwark, de façon à ce qu’il ne puisse plus regarder le roi. Mais il est mort en brave, refusant de reconnaître la moindre faute.
    — Comme on pouvait s’y attendre. Ces accusations étaient ridicules. Conspirer pour faire la guerre au roi ? S’il y a quelque chose que Cromwell a fait fidèlement toute sa vie, c’est de servir Henry Tudor.
    — Ce n’est pas la première fois que des accusations de crime contre l’État sont forgées de toutes pièces lorsque le roi veut se débarrasser de quelqu’un. Quand on l’a arrêté à la table du Conseil, Cromwell s’est écrié : “Je ne suis pas un traître !”, et il a jeté sa toque par terre. C’est alors que Norfolk lui a arraché son collier de l’ordre de la Jarretière.
    — Et Norfolk ? Êtes-vous sûr que nous n’ayons rien à craindre de lui ?
    — Oui. J’ai des amis dans les branches les plus secrètes du service du roi. On m’a fait savoir de la part de Norfolk lui-même qu’on ne nous toucherait pas. Il a trop peur qu’un seul mot ne transpire au sujet du feu grégeois. Or j’ai laissé entendre que si quoi que ce soit arrivait à l’un de nous deux, d’autres, informés par nos soins, risqueraient de parler.
    Je le regardai, méfiant. « C’est bien risqué. Pour vous comme pour moi.
    — C’est notre assurance. Faites-moi confiance, je sais comment naviguer dans ces eaux-là.
    — Avez-vous des nouvelles de Kytchyn ? Ou de dame Gristwood et de son fils ?
    — Ils sont sains et saufs. Ils se sont enfuis avec le gardien de leur refuge dès qu’ils ont appris la chute de Cromwell. Par contre, je ne sais pas où ils sont. »
    Je hochai la tête. « Ainsi, je peux reprendre mon travail.
    — Si c’est ce que vous souhaitez. »
    J’allai m’accouder au parapet, car, après la longue chevauchée, mon dos me faisait souffrir. Barak et moi regardâmes le fleuve. J’évitai de tourner les yeux du côté de London Bridge.
    « Il n’y a pas eu les représailles auxquelles je m’attendais, dis-je. Hormis le supplice de Robert Barnes qui doit avoir lieu aujourd’hui. Quant à Godfrey, je m’inquiète à son sujet, car je suis sans nouvelles de lui. » Je regardai Barak. « Et il y a trois catholiques qui vont mourir à Tyburn. »
    Barak grogna. « Jamais le roi ne retournera sous le joug de Rome, quels que soient les désirs de Norfolk. Cela lui plaît beaucoup trop d’être chef de l’Église. Le vieux pendard », ajouta-t-il a mi-voix. Puis son regard prit une intensité soudaine. « Croyez-vous que
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