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Les larmes du diable

Les larmes du diable

Titel: Les larmes du diable
Autoren: Christopher John Sansom
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avec un dernier regard affectueux, elle ajouta : « Mais ce n’est pas le cas. Adieu, Matthew. Soyez sur vos gardes. » Puis, dans un froufrou de jupes, elle disparut, me laissant seul dans la pièce.
    Une heure plus tard, je sortis de la Cité par Cripplegate. Une longue file attendait. Certains avaient la mine apeurée. Un groupe de gardes royaux posté là me fit craindre d’être arrêté, mais il n’en fut rien. Je me mis donc en route par ce morne après-midi, passaiShoreditch et les moulins à vent dont les ailes tournaient sans cesse à Finsbury Green, et je continuai jusqu’à Hampstead Heath. Là, je pris le temps de regarder la ville qui s’étendait à mes pieds. J’apercevais la masse de la Tour, où était emprisonné Cromwell, et le fleuve qui coulait à ses pieds. Londres paraissait étrangement paisible vue d’en haut. On eût dit un tableau plutôt qu’une ville menacée par la panique en cette heure où de très vieux comptes se réglaient entre gens de haute naissance comme entre gens de basse extraction. Je flattai l’encolure de Genesis. « Nous avons une longue route, mon bon cheval », dis-je. Puis je me retournai et partis à bonne allure vers le nord.

Épilogue
30 juillet 1540
    J e descendis à pied de C hancery L ane à T emple S teps en regardant tout autour de moi avec attention, à l’affût d’éventuels changements survenus pendant mes deux mois d’absence. Au vrai, les gens vaquaient à leurs affaires comme à l’accoutumée, mais en moins grand nombre, car le bruit courait que la peste s’était déclarée dans les faubourgs est, et de nombreux avocats avaient quitté la Cité. Pour les citadins qui étaient restés, il y avait double spectacle aujourd’hui, à Tyburn et à Smithfield.
    La lettre de Barak m’était parvenue quelques jours auparavant. Elle était courte et allait à l’essentiel.
    Messire Shardlake, J’ai encore quelques amis au service du roi et on m’a fait savoir que vous et moi pouvions rentrer à Londres. Le comte Cromwell doit être exécuté, mais aucun de ses partisans ne sera châtié, sauf en cas de mauvaise conduite. Wyatt et ses autres amis sont libres ; seuls les réformateurs les plus obstinés restent en prison. Si vous voulez rentrer à Londres et me rencontrer, je serai heureux de vous en dire davantage. J’espère que vous êtes maintenant remis de l’agression que vous avez subie au cours de notre entreprise.
    J. B.
    Ses paroles corroboraient d’autres nouvelles qui étaient parvenues jusque dans les Midlands. La persécution des réformateurs avait été moins sévère qu’on ne l’avait redouté, bien que, en chaire, on eût lancé de sévères mises en garde contre le luthéranisme, et que trois prédicateurs protestants, au nombre desquelsse trouvait Barnes, l’ami de Cromwell, fussent condamnés à être brûlés ce jour à Smithfield. Mais, par ailleurs, trois papistes devaient être pendus, éviscérés et écartelés à Tyburn à la même heure : une façon pour le roi de faire savoir qu’aucun des deux partis n’avait la haute main, et qu’en définitive il n’y aurait pas d’allégeance à Rome. À la surprise générale, l’archevêque Cranmer avait conservé sa place. Et si un divorce rapide entre le roi et Anne de Clèves avait été approuvé par l’Église, en attendant l’annonce des fiançailles entre Henry et Catherine Howard, ni Norfolk ni aucun autre n’avait été nommé à la place de Cromwell, dont les charges avaient été réparties entre plusieurs courtisans. On disait que, pour la première fois depuis près de trente ans, Henry entendait gouverner lui-même, sans ministre principal. Pour le duc, la déception devait être cuisante.
    J’étais rentré le matin même et avais eu le soulagement de trouver la maison calme, comme de coutume. Joan avait grandement déploré mon absence prolongée, et je compris qu’après les alarmes des semaines précédant mon départ, la pauvre femme n’avait guère été rassurée de devoir rester seule. Je lui promis solennellement que ma vie reprendrait désormais son cours tranquille.
    La veille, dans l’auberge où je m’étais arrêté pour dîner et passer la nuit, à Berkhampstead, j’avais appris l’exécution de Cromwell. L’homme qui apportait la nouvelle de Londres dit que le bourreau avait mal rempli son office et avait dû s’y reprendre à plusieurs fois pour le décapiter. « Mais sa tête est tombée maintenant, c’est le
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