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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers
Autoren: Jean-Pierre Charland
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durant la partie. Mais tu as raison, la joute est inégale. En plus, avec Georges Vézina dans le but, le Canadien se trouve en excellente posture.

    Comme pour donner raison à Mathieu, Joe Malone traversa toute la patinoire, déjouant ses adversaires l’un après l’autre pour loger la rondelle. . dans le gant du gardien originaire de Chicoutimi.
    La partie prit bien vite une mauvaise tournure : la première période se termina neuf { cinq { l’avantage des visiteurs. Flavie se tourna vers son compagnon, les yeux rieurs.
    — Tu sais, tu es un garçon bien étrange : inviter une fille à venir voir une partie de hockey, le soir du 25 décembre.
    — Le cinéma devient lassant, tu ne trouves pas ? Nous y sommes allés toutes les semaines depuis le mois d’août.
    Puis les salles sont fermées ce soir.
    Elle continuait de le fixer de ses grands yeux bruns, sans chercher à dissimuler son amusement. A la fin, il baissa le regard et confessa :
    — Françoise a invité son prétendant à souper. De mon côté, je voulais te voir, tu ne veux pas venir me visiter à la maison de chambres. .
    — Cela ne se fait pas.
    — Dans le salon, avec ma tante qui joue au chaperon, ta réputation demeurerait intacte.
    Le sujet revenait parfois entre eux. L’homme la regarda de nouveau.
    — Nous ne pouvions tout de même pas nous promener dans le parc Victoria. Tu as vu en arrivant ici, la neige crissait sous nos pieds. Il fait un froid polaire. Surtout, je suis très heureux d’être avec toi.
    — Moi aussi. Nous allons regarder les Bulldogs se faire massacrer en nous gelant les pieds. C’est un merveilleux Noël.
    Malgré son espièglerie, le ton demeurait sincère. Elle s’inclina vers lui pour lui faire une bise sur la joue.
    — S’il faisait plus chaud dans cette bâtisse, la glace fondrait, rétorqua tout de même son compagnon.
    À la fin de la troisième période, le pointage atteignait douze à cinq. Le talent de Malone ou de Creary ne pouvait compenser l’absence de certains joueurs et la faiblesse du gardien de but de l’équipe de Québec. En sortant de l’aréna, Mathieu offrit son bras à sa compagne. Us marchèrent dans une allée du parc Victoria, le temps de rejoindre la rue Dorchester.
    — La nuit est magnifique, sans aucun nuage, remarqua Mathieu en levant la tête pour admirer les étoiles.
    — Normal, par ce temps glacial.
    Le romantisme de Flavie ne résistait pas aux tempéra tures sous le zéro Fahrenheit. Elle serrait le col de son manteau contre son cou d’une main, posait l’autre sur le bras de son compagnon.
    — Nous sommes près de chez toi. Nous y arriverons dans cinq minutes à peine.
    Son soupir lassé s’accompagna d’un nuage de vapeur blanche. Ils parvinrent à la pension de la rue Saint-François.
    Flavie leva la tête pour offrir ses lèvres. Par cette température, le contact se révéla un peu étrange, pas désagréable.
    — Fais attention de ne pas attraper des engelures. Tu as encore un long trajet à faire.
    Sa commisération ne l’amenait toutefois pas { lui offrir de rentrer avec elle. Sous ses allures enjouées, la jeune femme se révélait fort sage, attachée à sa réputation.
    — Si je ne vois aucun tramway rue Dorchester, je m’arrêterai { l’hôtel Saint-Roch afin de demander un taxi.
    Bonsoir, va te cacher sous les couvertures.
    — Bonsoir.

    Après un autre baiser glacial, elle rentra bien vite chez elle.

    *****
    Le 27 décembre, les clientes, et même quelques clients, se pressaient dans le magasin ALFRED. L’habitude de donner des étrennes le jour de PAn expliquait cette affluence.
    Une vieille dame paya une douzaine de mouchoirs en fine dentelle destinés à une filleule. Elle demanda en acceptant la monnaie :
    — Comme cela, votre mère a décidé de se retirer des affaires.
    — . . Pas du tout, précisa Mathieu. Elle est au voyage de noces à New York. Cela survient un peu tard, toutefois.
    — Ah ! Je croyais pourtant, puisqu’elle s’est mariée. .
    — Mariée ne signifie pas nécessairement impotente. Elle demeure capable de s’occuper de son commerce.
    La cliente sortit les pièces de son petit réticule, les lèvres pincées sous la rebuffade. Elle n’entendait pas céder aussi vite. — Sa bonne santé est une bénédiction de Dieu. Mais une femme mariée devrait s’occuper de son ménage, de ses enfants.
    — Pensez-vous que j’aie encore besoin de recevoir l’attention quotidienne de ma maman ?
    Il écarta les bras de son
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