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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers
Autoren: Jean-Pierre Charland
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rebuffade terriblement blessante. En s’engageant du bout des lèvres, il pourrait toujours reculer, feindre l’indifférence.

    — Oui, je sais.
    Elle aussi préférait demeurer prudente, garder toutes les possibilités ouvertes.
    — Je songe à demander ta main à ton père. . Enfin, si tu me le permets.
    Elle demeura un long moment songeuse. Ce nouveau développement ne pouvait la surprendre. Au contraire, son confesseur commençait à évoquer les dangers inhérents à de trop longues fréquentations. Gérard ne pouvait la poursuivre de ses assiduités pendant de si longs mois sans jamais la presser pour obtenir certaines gratifications, sans avoir le bon motif en tête.
    — N’est-ce pas un peu. . rapide ?
    — Franchement, j’ai des amis qui ont eu le temps de rencontrer une fille, de se fiancer et de se marier depuis que nous sommes sortis ensemble pour la première fois.
    Heureusement, il n’ajouta pas «et de mettre la dame enceinte». Une allusion aussi triviale l’aurait certainement effrayée.
    — Si tu es d’accord, bien sûr, nous pourrions nous fiancer à Noël.
    — Papa sera alors absent.
    — J’oubliais le fameux voyage de noces. Nous ne pouvons certainement pas faire cela pendant l’avent, continua le jeune homme. Il sera revenu au jour de l’An, je pense.
    — Oui, il sera revenu.
    Elle ne répondait pas vraiment. A la fin, Gérard dut répéter la question :
    — M’autorises-tu à demander ta main à ton père ?
    — C’est une décision si importante. Me permets-tu de prendre le temps d’y penser un peu ?
    Cette demande d’un moment de réflexion paraissait bien raisonnable. L’homme dut pourtant faire un effort pour maîtriser sa voix en répondant :
    — Oui, bien sûr. A la banque, je conseille toujours à mes clients de prendre le temps de dormir une bonne nuit avant de décider d’une transaction importante. Cela convient d’autant plus au sujet d’un mariage devant engager toute une vie.
    A ces mots, une brève seconde, Françoise eut l’impression de voir la rive sud du fleuve vaciller sous ses yeux. La situation lui donnait un véritable vertige.
    — Je te remercie de te montrer si compréhensif, souffla-t-elle.
    — C’est naturel. Es-tu prête à rentrer à la maison ?
    Lui aussi ressentait tout le poids de la situation, et surtout la douleur de la voir si songeuse. Curieusement, malgré sa propre hésitation, il souffrait de ne pas la voir formuler un « oui » enthousiaste.
    Le couple quitta le banc pour marcher en direction de la rue de la Fabrique. En passant sur le parvis de la cathédrale, Gérard bredouilla :
    — Je sais bien qu’aujourd’hui ma situation ne paraît pas brillante, mais j’ai des idées. Je ne resterai pas simple commis pour le reste de mon existence.
    Pour toute réponse, Françoise exerça une pression de la main sur son avant-bras. Devant la porte du commerce ALFRED, elle se tourna vers lui.
    — Je promets de ne pas te laisser languir. Demain, je te donnerai ma réponse.
    En guise d’encouragement, elle leva son visage, offrant ses lèvres aux siennes. Après un baiser léger, comme pour s’éviter une déception trop grande si elle finissait par refuser, il déclara :

    — J’attendrai donc sagement.
    Ils se quittèrent sur ces mots. Aucun des deux n’avait jamais prononcé «Je t’aime». Cela tenait peut-être à la pudeur, ou { l’incertitude quant aux sentiments éprouvés.

    *****
Pendant tout le souper, Françoise demeura morose, au point où Marie lui demanda en l’aidant { débarrasser la table :
    — Rassure-moi, tu n’es pas malade ?
    La jeune femme avait présenté le même visage quand les premiers symptômes de la grippe espagnole s’étaient fait sentir.
    — Non, je suis juste un peu songeuse.
    — Tu me le dirais, si quelque chose n’allait pas ?
    — Oui, bien sûr.
    Elle alla se réfugier au salon, pour écouter les discussions sur les débats auxquels participait le nouveau chef du Parti libéral { la Chambre des communes. Paul Dubuc s’intéressait surtout avec un intérêt nouveau à la carrière de son concitoyen de Rivière-du-Loup.
    Un peu après neuf heures, Mathieu consulta sa montre et annonça à tout le monde :
    — Je dois vous souhaiter une bonne semaine. Si je veux lire un peu avant d’aller au lit, je dois rentrer tout de suite.
    Des observateurs plus attentifs auraient sans doute observé qu’il ne disait jamais «aller dormir». La précaution sémantique trahissait pourtant bien
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