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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France
Autoren: Franck Ferrand
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château d’Alençon. Cette demeure princière, depuis que la reine de Navarre ne l’honorait plus que rarement de sa présence, n’était que le reflet bien pâle de ce qu’elle avait pu être jadis, du temps du feu duc.
    Ce matin-là, Gautier se trouvait dans les écuries désormais désertes, ou presque, affairé à soigner un cheval de passage et qui s’était blessé au palonnier. L’animal, un coursier magnifique, était nerveux ; et l’écuyer peinait à s’en faire obéir.
    — Méfiez-vous, Zéphyr n’est pas tendre !
    Cette voix était celle du messager qui, la veille au soir, était arrivé fourbu, marchant à côté de sa monture. Gautier appréciait le jeune Jacques de Saint-André. C’était un parfait écuyer, bon cavalier, gentil compagnon – autant dire l’image vivante de ce qu’il avait été lui-même, naguère...
    — Apprenez, dit Gautier, que j’en ai soigné de plus rétifs !
    — Que cela ne vous empêche pas de rester prudent, répondit Saint-André.
    Il ajouta :
    — Ce que je dis ne vaut pas que pour les chevaux...
    Coisay continua de prodiguer à Zéphyr les soins nécessaires. En silence. Puis il se releva, s’essuya soigneusement les mains et, regardant l’écuyer du dauphin dans les yeux, lui répondit enfin.
    — Si vous faites allusion à la grande sénéchale, qui me poursuit de sa colère, je ne puis mieux faire que rester ici, terré, en attendant qu’elle oublie...
    — Mme de Brézé n’oublie jamais rien. Je serais vous, je mettrais davantage d’espace entre elle et moi.
    — Davantage d’espace ?
    — Oui. Je vais à Saint-Malo, porter un message du grand amiral à M. de Pontbriant. Vous pourriez m’accompagner et, qui sait, vous laisser tenter par la grande aventure.
    — Vous voudriez que je m’embarque sur un des vaisseaux de Cartier ? Plutôt mourir !

    Un port étiré dans les sables, aux bouches de la Rance, reflétant toutes les variations d’un ciel déchiqueté de nuages : Gautier découvrit Saint-Malo dans les étriers de Saint-André, par un beau lundi de Pentecôte. Les cloches de la cathédrale Saint-Vincent, sonnant à toute volée, exprimaient la fébrilité d’une cité tout accaparée par le grand départ. La population entière s’entassait sur les grèves, d’où elle suivait l’embarquement d’ultimes vivres et bagages à bord des trois vaisseaux du sieur Cartier : la Grande Hermine , la Petite Hermine et l’ Emerillon 8 .
    Les deux écuyers gagnèrent sans attendre des quais qui sentaient, comme dans tous les ports d’Europe, ce mélange, écœurant et grisant à la fois, de goudron, de graisse et de chanvre. Étrangement, Gautier n’en fut pas dégoûté.
    — Savez-vous, demandait-il à toutes sortes de badauds indifférents à sa question, où nous pourrions trouver le sieur de Pontbriant ?
    — Monsieur de Pontbriant ? répondit enfin un matelot parlant français. Il est déjà sur la Grande Hermine .
    Les deux écuyers laissèrent leurs montures à l’écart et, se frayant un chemin dans la mêlée, approchèrent du vaisseau amiral.
    — Saint-André ! cria une voix, depuis le pont de la Grande Hermine .
    Doté d’un regard de lynx, Pontbriant avait aperçu son ami dans la foule ; il remit pied à terre et lui sauta dessus avant même que l’écuyer du dauphin ne l’eût repéré.
    — Saint-André, redit-il. Mais quel bon vent... ?
    — Mon vieux, lui déclara l’autre sans préambule, j’ai ce message à te remettre, de la part de M. de Brion ; et cet ami à te confier.
    Il n’osa ajouter : « De la part de sa femme »...
    — Mais je m’en vais, Jacques ! s’excusa l’autre en dévisageant rapidement Coisay.
    — Justement. Il faut que tu m’aides à convaincre ton capitaine de prendre cet homme à bord d’un de ses galions.
    — Impossible ! objecta Pontbriant. Le père Cartier n’acceptera jamais. Les rôles sont complets. Et puis, on ne s’improvise pas marin...
    — Mais je suis marin ! mentit Gautier.
    — Ah oui, vraiment ?
    Un tonnerre d’applaudissements venait de retentir sur la grève : les Malouins saluaient, pour la dixième fois en un jour, l’apparition, à la poupe de la Grande Hermine , de cet homme insensé qui prétendait ouvrir des voies nouvelles aux vaisseaux du roi, des routes rapides et directes vers le Cathay 7  ! La veille, à la messe dominicale, l’évêque en personne avait béni Jacques Cartier, du fond de l’âme ; il avait aussi attiré les
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