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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France
Autoren: Franck Ferrand
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il consulta ses assesseurs, demanda quelques précisions à La Châtaigneraie puis, d’une voix ferme où Diane ne put se défendre de percevoir une pointe de défi, déclara :
    — Pour le tribunal des Armes, le choix effectué par la partie « soutenante » est valide. Nous l’acceptons et l’imposons aux adversaires.
    Le teint de Diane de Poitiers, de livide, passa au rouge sombre. Dans cet instant, elle se serait sentie la force d’étrangler le connétable à pleines mains. Mais à ses côtés, le roi paraissait confiant. Il effleura discrètement sa paume du petit doigt.
    Aumale ayant réfuté le jugement du tribunal, on se lança dans d’infinies palabres. Le public, écrasé de soleil et de fatigue, commençait à perdre patience, et des jurons peu amènes furent échangés entre gens du peuple et damoiseaux de satin.
    — Gandins ! Mignonnes ! criaient les uns.
    — Silence, crapauds ! rétorquaient les autres.
    Enfin le combat commença – aux conditions voulues par Jarnac.
    — Sale petit freluquet minable ! pesta la grande sénéchale en sourdine.

    Un premier assaut, sous la rumeur émue du public, mit aux prises les duellistes. Très vite, derrière l’âpreté d’engagements où l’un et l’autre jetaient toutes leurs forces, il apparut que la faiblesse criante du petit baron se trouvait amplement compensée par sa mobilité. Sautillant autour du colosse immobile, il donnait le sentiment d’un chien sauvage multipliant les attaques contre un buffle puissant, certes, mais statique. Il semblait, à les observer, que les armes du jeune bretteur – pourtant du même poids – étaient plus légères que celles du vieux guerrier qui, du reste, se mit bientôt à souffler de manière inquiétante.
    Le public debout, d’abord extérieur à la querelle, ne tarda pas, de son côté, à s’identifier au plus modeste des adversaires. Jeune, sobre et attaqué, le petit Jarnac avait tout pour séduire une foule que rebutait la majesté raide et méprisante de La Châtaigneraie. Dès la troisième passe d’armes, le murmure populaire avait pris fait et cause pour David contre Goliath.
    — Jarnac ! se mit à scander la foule. Jar-nac ! Jar-nac !
    Dans la tribune couverte, Diane se mordait la lèvre. Une forte aigreur à l’estomac l’avertit que les choses prenaient un tour mauvais. Elle ne se trompait pas. En effet, sous les regards horrifiés de la tribune royale, le petit Chabot venait de bondir derrière le gros Vivonne et, d’un geste net, prémédité, avait trouvé le défaut de l’armure pour trancher le jarret gauche de son adversaire. Un cri d’allégresse jaillit de la foule vers les cieux.
    — Hourra ! Jar-nac ! Jar-nac !
    Diane sentit que ce coup de taille avait attaqué le muscle en profondeur ; déjà La Châtaigneraie ne tenait plus, branlant, que sur sa jambe droite. Il moulinait dans le vide et s’appuyait péniblement sur son haut bouclier. Or presque aussitôt, rapide comme l’épervier, Jarnac s’en vint lui sectionner l’autre jarret – en enfonçant, cette fois, le tranchant de la lame jusqu’à l’os !
    Dans un soudain silence de mort, le colosse s’affaissa comme un huit-cors 1 sous la dague du veneur.
    — C’est une plaisanterie, s’indigna Diane. La peste soit du balourd !
    Après un court moment de silence, la clameur de la foule monta vers les cieux, portant le vainqueur aux nues. Le fameux « coup de Jarnac » venait d’entrer dans les Annales.
    Le roi lui-même, sidéré, s’était levé ; bouche bée, le regard perdu, il fixait son champion qui gisait sur le sable, à merci... Le baron chétif aurait pu aisément l’achever, mais il n’en fit rien. Accourant au contraire vers la tribune royale, il supplia le souverain de le décharger d’une telle besogne, et s’en remit « à son auguste décision ».
    Alors Diane se leva aussi pour ne pas défaillir de dépit.
    — Dites-moi que nous allons nous réveiller, glissa-t-elle à l’oreille du roi.
    Henri demeurait sans voix... Enfin, il se racla la gorge. Un nouveau silence, à peine troublé par les râles de La Châtaigneraie, s’était fait à l’orée de la forêt de Saint-Germain.
    — Vous avez fait votre devoir, reconnut Henri, accablé, la mort dans l’âme. Votre honneur doit vous être rendu.
    Le vainqueur s’inclina devant celui qui, par aveuglement, avait causé ce gâchis. Un nouveau cri de victoire – aux accents cette fois menaçants – retentit par toute la
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