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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise
Autoren: Nicolas Remin
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commissaire n’en savait pas tant, après tout. Oui, pensa-t-elle, libérée, elle irait lui raconter demain. Pas à la questure, mais au palais – ne serait-ce qu’en raison du cacao que signor Da Ponte ne manquerait pas de lui offrir.
    Elle s’arrêta pour s’orienter – ce qui ne se produisait jamais d’habitude car elle connaissait le quartier comme sa poche. À présent, on ne voyait pas à plus de trois pas. Quoi d’étonnant qu’elle n’ait rencontré personne depuis la place Saint-Marc ? Elle était bien la seule à mettre le nez dehors par un temps pareil.
    Où était-elle exactement ? Sans doute sur le campo San Moisè. Non qu’elle parvînt à reconnaître quelque chose, mais le bruit de ses pas avait changé : elle n’entendait plus les faibles échos renvoyés par les façades toutes proches. Elle poursuivit son chemin avec prudence et respira au bout de quelques mètres en atteignant les marches du pont qui traversait le rio dei Barcaroli. Elle ne s’était pas perdue. Une telle bêtise aurait bien pu se produire dans une pareille purée de pois.
    Une fois sur l’autre rive, elle entendit des pas dans son dos. Sans réfléchir, elle tourna aussitôt dans la calle delle Veste, accéléra et fut prise de panique en constatant que la personne derrière elle avait emprunté le même chemin et marchait elle aussi plus vite.
    Quelqu’un la suivait .
    Angelina s’arrêta. Elle entendait son souffle – de petites respirations rapides – et eut soudain la chair de poule. La ruelle était de nouveau silencieuse. Les semelles ne claquaient plus sur les pavés. L’inconnu s’était donc arrêté, comme elle, pour tendre l’oreille dans le noir. Puis il se remit en route. Quand elle comprit qu’il venait dans sa direction, elle fit ce qu’aurait fait toute personne sensée dans sa situation : elle ôta ses chaussures, les prit à la main et courut dans le brouillard.
    Cinq minutes plus tard, elle pénétra dans la nef de Santa Maria Zobenigo avec reconnaissance et soulagement. Pas un instant elle ne songea qu’elle pouvait avoir rêvé. Elle s’avança vers le bénitier, y trempa les doigts de la main droite et fit le signe de croix. Face à l’autel principal derrière lequel attendaient le seau et le balai, une vieille femme à genoux marmonnait une prière monocorde qui, se mêlant à l’encens, créait une atmosphère de paix profonde, surnaturelle.
    Angelina se rappela que les églises (c’était le père Maurice qui le lui avait raconté) avait jadis servi de refuges. À présent, elle éprouvait à son tour ce sentiment : celui d’être sauvée, protégée, en sécurité. Un bon sentiment. Un sentiment exaltant . Consciente de ses torts, elle trouvait finalement légitime d’avoir à entretenir le temple du Rédempteur – même dans les coins.
    À ce moment-là, elle fit un geste que, d’ordinaire, elle ne faisait jamais (ou alors très rarement) d’elle-même : elle s’agenouilla et se mit à prier. Une longue prière fervente dans laquelle elle promit plusieurs fois de changer, de ne plus voler et de mieux nettoyer les coins à l’avenir. Quand elle eut terminé, elle pouffa de rire et dut résister à la tentation ridicule de serrer le seau dans ses bras. Cela ne faisait aucun doute, elle était à bout de nerfs.
    Angelina se leva. En passant devant la chapelle de la Sainte Vierge, elle déroba d’une main habile un cierge allumé et sortit dans la petite cour où se trouvait sa chambre ou plutôt son appentis . Elle ne l’aperçut pas tout de suite car le quinquet au-dessus de l’entrée n’avait jamais dégagé plus qu’un halo blafard. Ce ne fut qu’à trois pas de la porte qu’elle le découvrit. Le père Maurice lui tournait le dos. Légèrement penché sur la serrure, il semblait regarder quelque chose. Sauf qu’il n’y avait rien à voir qu’une vieille porte gonflée et qu’il faisait bien trop sombre pour distinguer quoi que ce soit dans ce brouillard.
    Elle s’avança vers lui.
    — Père Maurice ?
    Quand il se retourna, son visage apparut dans la flamme. Elle le reconnut. Aussitôt, deux mains foncèrent sur elle dans l’obscurité, prirent son cou en étau et étouffèrent son cri.

49
    Soigneusement disposées bord à bord, les lettres partageaient le bureau de Tron à la questure avec trois tasses de café fumant, une cafetière et une cassette qui, à première vue, ressemblait à un exemplaire des Fiancés de Manzoni. Tron n’était
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