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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise
Autoren: Nicolas Remin
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trompe l’archiduc depuis le début, remarqua Tron. Le père Calderón avait raison. Il travaille pour la clique de Vienne, pour le compte de ceux qui veulent empêcher Maximilien de réussir ou même simplement de partir au Mexique. Pourtant, l’archiduc savait bien qu’il rédigeait toutes les deux semaines des rapports secrets à l’officier d’ordonnance de l’empereur !
    — Peut-être Beust en envoyait-il deux ? suggéra la princesse d’un air las. L’un dont il discutait avec lui et l’autre où figurait tout ce que le premier passait sous silence ?
    — En tout cas, on ne saurait l’exclure.
    L’hypothèse n’était pas plus folle que l’idée qu’un prêtre aille commettre un crime en soutane pour détourner de lui les soupçons.
    — Que comptes-tu faire maintenant ? l’interrogea la princesse.
    — Quelqu’un en dehors de toi peut-il confirmer la paralysie de père Caldéron ?
    Elle haussa les épaules.
    — Peut-être à Rome ? Sinon, seul mon témoignage prouverait son innocence.
    — Dans ce cas, déclara le commissaire, les uniques éléments solides seraient la photographie dans la chambre à coucher et l’éraflure sur le bras de Beust. Or l’une comme l’autre accusent père Calderón… De plus, ajouta-t-il après une petite pause, on pourrait avancer que…
    — Que quoi ? s’énerva-t-elle.
    — Que presque tout est possible dans des situations extrêmes. Qu’on a déjà vu des paralytiques marcher et…
    — Des aveugles voir, c’est ça ? le coupa-t-elle.
    — Oui, à peu près.
    — Es-tu en train de suggérer qu’il s’est servi de sa main droite ?
    — En théorie, ce n’est pas exclu, répondit le commissaire.
    — Tu crois vraiment ce que tu racontes, Tron ?
    Bonne question, pensa-t-il. En fait, il ne croyait plus rien du tout.
    — À partir d’un certain moment, soupira-t-il, cette affaire a changé de visage toutes les vingt-quatre heures.
    — Tu veux dire : Depuis que tu as appris qui était en réalité le prétendu fiancé d’Anna Slataper ?
    Il resta interloqué. Pendant une fraction de seconde, cette phrase avait éveillé en lui un vague souvenir.
    Il se pencha vers elle.
    — Pourrais-tu répéter ce que tu viens de dire ?
    — Pardon ?
    — Répéter la phrase que tu viens de dire ?
    — J’ai dit : Depuis que tu as appris qui était en réalité le prétendu fiancé .
    — Les fiancés… I Promessi Sposi  ! s’exclama-t-il en se frappant le front. Bien sûr !
    La princesse le regardait avec perplexité.
    — Je ne comprends rien. Qu’est-ce que le roman de Manzoni vient faire dans cette histoire ?
    — Peut-être contient-il ce que l’assassin est venu chercher dans l’appartement d’Anna Slataper.
    Il se leva d’un bond.
    — Je dois y aller !
    — Où vas-tu ?
    — Au rio della Verona. Feuilleter l’exemplaire des Fiancés .
    Elle lui jeta un coup d’œil exaspéré.
    — Je déteste les cachotteries, Tron !
    — Eh bien, tu n’as qu’à m’accompagner, l’invita-t-il avec un sourire. Je te raconterai tout en chemin.
    — Je peux finir mon café ?
    — Non, nous en boirons un à la questure.
    — Parce que tu veux aller à la questure en plus ?
    — Bossi doit être en train de rédiger un compte rendu pour Spaur, expliqua le commissaire. Il va devoir le modifier.

48
    Un quart d’heure auparavant, Angelina Zolli avait quitté Saint-Marc par l’aile Napoléon. Depuis deux heures, un tel brouillard enveloppait Venise que les becs de gaz sur la place et le môle ressemblaient à des feux de position dans la nuit. Elle avait fini par conclure que les conditions ne se prêtaient pas à la recherche d’un individu dans la foule ni à une filature discrète pour découvrir son adresse.
    En outre, elle s’était mise à douter de pouvoir retrouver un jour l’assassin. S’il ne fallait pas exclure une rencontre fortuite, on pouvait tout aussi bien imaginer qu’elle le manquerait pendant des semaines, ou qu’il n’était plus en ville, ou – c’était la pire variante – qu’il la découvrirait avant elle. Dans ce cas, elle sentirait bientôt des doigts se poser sur son cou dans un coin sombre.
    Assurément, se dit-elle en remontant la calle Frezzeria, elle aurait dû mettre le commissaire dans la confidence. Lui avouer qu’elle l’avait revu, qu’elle l’avait reconnu et qu’elle pouvait par conséquent le décrire. Un portrait ne remplaçait pas un nom, mais le
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