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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise
Autoren: Nicolas Remin
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pas resté plus de trois minutes dans l’appartement d’Anna Slataper. Le roman se trouvait toujours sur l’étagère, dans la chambre. Dès qu’il l’avait ouvert, il avait su ce que Beust avait cherché en vain. Puis en lisant les lettres dans la gondole, il avait compris ce qui s’était passé et pourquoi.
    — Le lieutenant de vaisseau a écrit à Anna Slataper, expliqua-t-il à son adjoint assis de l’autre côté.
    Bossi avait la bouche aussi grande ouverte que son carnet – peut-être parce que la princesse avait pris place à une extrémité du bureau et que, dans sa longue fourrure gris clair, elle dégageait une extrême élégance. Chaque fois qu’il tournait les yeux vers elle, le sergent rougissait.
    À cette nouvelle, il fut incapable de cacher son désarroi.
    — Beust et Anna Slataper se connaissaient ?
    — Et comment ! répondit le commissaire.
    — Je croyais que Calderón avait levé son arme sur lui ! Je n’y comprends plus rien.
    — Le père Calderón, intervint la princesse en croisant les jambes sous sa fourrure, ne pouvait pas se servir de sa main droite. Personne en dehors de moi ne le savait.
    — Beust non plus, enchaîna Tron. Sinon il aurait placé le revolver dans la gauche.
    Le sergent fit preuve d’une incontestable rapidité d’esprit dans la mesure où il ne lui fallut que quelques secondes pour modifier le scénario.
    — C’est-à-dire que le lieutenant a tué Calderón, s’est légèrement blessé et nous a ensuite…
    Il secouait la tête, l’air hébété.
    — … roulés dans la farine, acheva Tron.
    — Pourtant, la chaîne d’indices semblait parfaite ! s’exclama Bossi qui ne pouvait pas s’en empêcher. Comment avez-vous eu connaissance de ces lettres, commissaire ?
    — Je n’en savais rien du tout, rectifia celui-ci en souriant. Vous souvenez-vous de ce que nous avons trouvé dans l’atelier de Pucci ?
    —  Les Fiancés de Manzoni, répondit son subalterne en levant les yeux au ciel. Mon Dieu, nous aurions pu nous douter qu’Anna Slataper conservait elle aussi ses objets précieux dans son livre préféré !
    — Seulement, nous n’y avons pas pensé. Ou du moins trop tard. Si nous avions découvert les lettres plus tôt, nous aurions sauvé la vie à Pucci, signora Saviotti, Gutiérrez et au père Calderón.
    — Commence donc par Anna Slataper, suggéra la princesse en sortant son étui à cigarettes de la poche de sa fourrure et jetant un coup d’œil aux armoiries des Montalcino gravées sur le couvercle. Explique pourquoi Beust l’a tuée.
    — Il l’aimait, laissa tomber le commissaire.
    Bossi écarquilla les yeux.
    — Beust et Anna Slataper avaient une liaison ?
    — Pour elle, le lieutenant de vaisseau ne représentait qu’une source de revenus, précisa Tron. Comme Gutiérrez.
    — Vous voulez dire qu’ils ont également fait chanter Beust ?
    — Probable. Toutefois, le procédé ne semble pas avoir éteint sa flamme. Or quand Anna Slataper a fait la connaissance de l’archiduc, elle a rompu tout contact avec lui. Elle refusait de le voir.
    — Voilà pourquoi il lui a écrit ? demanda Bossi.
    Tron hocha la tête.
    — Fin juillet, il lui a annoncé qu’il était en possession de clichés où on la voyait en compagnie de Maximilien. Sans doute les avait-il achetés à Pucci. Il devait bien se douter qu’il avait pris des photographies pour extorquer de l’argent à l’archiduc.
    Le commissaire choisit l’une des lettres et la claqua sur la table.
    — Dans ce courrier, il lui ordonne de se séparer de Maximilien sous peine de vendre les clichés à l’Église. Quand il a appris par Pucci que la jeune femme allait tout révéler à l’archiduc…
    — Il l’a assassinée, devina Bossi, car sinon il était perdu.
    — Pas seulement, nuança le commissaire, mais aussi par dépit. Comme ce José amoureux fou d’une bohémienne dans la nouvelle de… euh…
    Il fronça les sourcils.
    — … Mérimée, compléta la princesse sans lever les yeux.
    Elle alluma une cigarette.
    — Prosper Mérimée. Je l’ai rencontré à diverses reprises à la cour de Napoléon.
    À la cour de Napoléon ! Bossi lui adressa une nouvelle fois un regard rempli de timide admiration.
    — Et ensuite, il a éliminé Pucci, reprit Tron. Car le photographe savait qui était l’assassin.
    — Mais pourquoi ne l’a-t-il pas tout bonnement tué chez lui ?
    — À cause de Maximilien sans doute, expliqua le
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