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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II
Autoren: Michel de Montaigne
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main : et ce disant, se precipita du haut de la
maison. Antipater menassant asprement les Lacedemoniens, pour les
renger à certaine sienne demande : Si tu nous menasses de pis
que la mort, respondirent-ils, nous mourrons plus volontiers. Et à
Philippus leur ayant escrit, qu'il empescheroit toutes leurs
entreprinses, Quoy ? nous empescheras tu aussi de
mourir ? C'est ce qu'on dit, que le sage vit tant qu'il doit,
non pas tant qu'il peut ; et que le present que nature nous
ait faict le plus favorable, et qui nous oste tout moyen de nous
pleindre de nostre condition, c'est de nous avoir laissé la clef
des champs. Elle n'a ordonné qu'une entrée à la vie, et cent mille
yssuës. Nous pouvons avoir faute de terre pour y vivre, mais de
terre pour y mourir, nous n'en pouvons avoir faute, comme respondit
Boiocatus aux Romains. Pourquoy te plains tu de ce monde ? il
ne te tient pas : si tu vis en peine, ta lascheté en est
cause : A mourir il ne reste que le vouloir.
    Ubique mors est : optime hoc
cavit Deus,
Eripere vitam nemo non homini potest :
At nemo mortem : mille ad hanc aditus patent
.
    Et ce n'est pas la recepte à une seule maladie, la mort est la
recepte à tous maux : C'est un port tres-asseuré, qui n'est
jamais à craindre, et souvent à rechercher : tout revient à
un, que l'homme se donne sa fin, ou qu'il la souffre, qu'il coure
au devant de son jour, ou qu'il l'attende : D'où qu'il vienne
c'est tousjours le sien : En quelque lieu que le filet se
rompe, il y est tout, c'est le bout de la fusée. La plus volontaire
mort, c'est la plus belle. La vie despend de la volonté d'autruy,
la mort de la nostre. En aucune chose nous ne devons tant nous
accommoder à nos humeurs, qu'en celle-là. La reputation ne touche
pas une telle entreprise ; c'est folie d'en avoir respect. Le
vivre, c'est servir, si la liberté de mourir en est à dire. Le
commun train de la guerison se conduit aux despens de la vie :
on nous incise, on nous cauterise, on nous detranche les membres,
on nous soustrait l'aliment, et le sang : un pas plus outre,
nous voyla gueris tout à faict. Pourquoy n'est la veine du gosier
autant à nostre commandement que la mediane ? Aux plus fortes
maladies les plus forts remedes. Servius le Grammairien ayant la
goutte, n'y trouva meilleur conseil, que de s'appliquer du poison à
tuer ses jambes : Qu'elles fussent podagres à leur poste,
pourveu qu'elles fussent insensibles. Dieu nous donne assez de
congé, quand il nous met en tel estat, que le vivre nous est pire
que le mourir.
    C'est foiblesse de ceder aux maux, mais c'est folie de les
nourrir.
    Les Stoiciens disent, que c'est vivre convenablement à nature,
pour le sage, de se departir de la vie, encore qu'il soit en plein
heur, s'il le faict opportunément : Et au fol de maintenir sa
vie, encore qu'il soit miserable, pourveu qu'il soit en la plus
grande part des choses, qu'ils disent estre selon nature.
    Comme je n'offense les loix, qui sont faictes contre les
larrons, quand j'emporte le mien, et que je coupe ma bourse :
ny des boutefeuz, quand je brusle mon bois : Aussi ne suis-je
tenu aux loix faictes contre les meurtriers, pour m'avoir osté ma
vie.
    Hegesias disoit, que comme la condition de la vie, aussi la
condition de la mort devoit dependre de nostre eslection.
    Et Diogenes rencontrant le Philosophe Speusippus affligé de
longue hydropisie, se faisant porter en littiere : qui luy
escria, Le bon salut, Diogenes : A toy, point de salut,
respondit-il, qui souffres le vivre estant en tel estat.
    De vray quelque temps apres Speusippus se fit mourir, ennuié
d'une si penible condition de vie.
    Mais cecy ne s'en va pas sans contraste : Car plusieurs
tiennent, que nous ne pouvons abandonner cette garnison du monde,
sans le commandement expres de celuy, qui nous y a mis ; et
que c'est à Dieu, qui nous a icy envoyez, non pour nous seulement,
ains pour sa gloire et service d'autruy, de nous donner congé,
quand il luy plaira, non à nous de le prendre : Que nous ne
sommes pas nays pour nous, ains aussi pour nostre païs : les
loix nous redemandent compte de nous, pour leur interest, et ont
action d'homicide contre nous. Autrement comme deserteurs de nostre
charge, nous sommes punis en l'autre monde,
    Proxima deinde tenent moesti
loca, qui sibi lethum
Insontes peperere manu, lucémque perosi
Projecere animas
.
    Il y a bien plus de constance à user la chaine qui nous tient,
qu'à la rompre : et plus d'espreuve de fermeté en
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