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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II
Autoren: Michel de Montaigne
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acte d'honneur et de vertu. Threicion
se creut dés lors, et se tua. Cleomenes en fit aussi autant depuis,
mais ce fut apres avoir essaié le dernier point de la fortune. Tous
les inconveniens ne valent pas qu'on vueille mourir pour les
eviter.
    Et puis y ayant tant de soudains changemens aux choses humaines,
il est malaisé à juger, à quel poinct nous sommes justement au bout
de nostre esperance :
    Sperat et in sæva victus
gladiator arena,
Sit licet infesto pollice turba minax
.
    Toutes choses, disoit un mot ancien, sont esperables à un homme
pendant qu'il vit. Ouy mais, respond Seneca, pourquoy auray-je
plustost en la teste cela, que la fortune peut toutes choses pour
celuy qui est vivant ; que cecy, que fortune ne peut rien sur
celuy qui sçait mourir ? On voit Josephe engagé en un si
apparent danger et si prochain, tout un peuple s'estant eslevé
contre luy, que par discours il n'y pouvoit avoir aucune
resource : toutefois estant, comme il dit, conseillé sur ce
point, par un de ses amis de se deffaire, bien luy servit de
s'opiniastrer encore en l'esperance : car la fortune contourna
outre toute raison humaine cet accident, si qu'il s'en veid delivré
sans aucun inconvenient. Et Cassius et Brutus au contraire,
acheverent de perdre les reliques de la Romaine liberté, de
laquelle ils estoient protecteurs, par la precipitation et
temerité, dequoy ils se tuerent avant le temps et l'occasion. A la
journée de Serisolles Monsieur d'Anguien essaïa deux fois de se
donner de l'espée dans la gorge, desesperé de la fortune du combat,
qui se porta mal en l'endroit où il estoit : et cuida par
precipitation se priver de la jouyssance d'une si belle victoire.
J'ay veu cent lievres se sauver soubs les dents des levriers :
Aliquis carnifici suo superstes fuit
.
    Multa dies variúsque labor
mutabilis ævi
Rettulit in melius, multos alterna revisens
Lusit, et in solido rursus fortuna locavit
.
    Pline dit qu'il n'y a que trois sortes de maladie, pour
lesquelles eviter on aye droit de se tuer : La plus aspre de
toutes, c'est la pierre à la vessie, quand l'urine en est retenuë.
Seneque, celles seulement, qui esbranlent pour long temps les
offices de l'ame.
    Pour eviter une pire mort, il y en a qui sont d'advis de la
prendre à leur poste. Damocritus chef des Ætoliens mené prisonnier
à Rome, trouva moyen de nuict d'eschapper. Mais suivy par ses
gardes, avant que se laisser reprendre, il se donna de l'espée au
travers le corps.
    Antinoüs et Theodotus, leur ville d'Epire reduitte à l'extremité
par les Romains, furent d'advis au peuple de se tuer tous. Mais le
conseil de se rendre plustost, ayant gaigné, ils allerent chercher
la mort, se ruants sur les ennemis, en intention de frapper, non de
se couvrir. L'isle de Goze forcée par les Turcs, il y a quelques
années, un Sicilien qui avoit deux belles filles prestes à marier,
les tua de sa main, et leur mere apres, qui accourut à leur mort.
Cela faict, sortant en ruë avec une arbaleste et une arquebouze, de
deux coups il en tua les deux premiers Turcs, qui s'approcherent de
sa porte : et puis mettant l'espée au poing, s'alla mesler
furieusement, où il fut soudain envelopé et mis en pieces : se
sauvant ainsi du servage, apres en avoir delivré les siens.
    Les femmes Juifves apres avoir faict circoncire leurs enfans,
s'alloient precipiter quant et eux, fuyant la cruauté d'Antiochus.
On m'a compté qu'un prisonnier de qualité, estant en nos
conciergeries, ses parens advertis qu'il seroit certainement
condamné, pour eviter la honte de telle mort, aposterent un Prestre
pour luy dire, que le souverain remede de sa delivrance, estoit
qu'il se recommandast à tel sainct, avec tel et tel voeu, et qu'il
fust huict jours sans prendre aucun aliment, quelque deffaillance
et foiblesse qu'il sentist en soy. Il l'en creut, et par ce moyen
se deffit sans y penser de sa vie et du danger. Scribonia
conseillant Libo son nepveu de se tuer, plustost que d'attendre la
main de la justice, luy disoit que c'estoit proprement faire
l'affaire d'autruy que de conserver sa vie, pour la remettre entre
les mains de ceux qui la viendroient chercher trois ou quatre jours
apres ; et que c'estoit servir ses ennemis, de garder son sang
pour leur en faire curée.
    Il se lict dans la Bible, que Nicanor persecuteur de la Loy de
Dieu, ayant envoyé ses satellites pour saisir le bon vieillard
Rasias, surnommé pour l'honneur de sa vertu, le Pere aux Juifs,
comme ce bon homme n'y veist plus
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