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Les Dames du Graal

Les Dames du Graal

Titel: Les Dames du Graal
Autoren: Jean Markale
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sémantique avec notre Morgane. Mais la tradition se moque des règles de la linguistique, et la valeur symbolique d’un nom résulte bien souvent d’une analogie ou d’une simple homophonie. Si l’on s’en tient à l’étymologie pure, le terme morganatique provient du bas-latin morganaticus , attesté chez Grégoire de Tours, mot issu du francique morgangeba qui signifie littéralement « don du matin », mais qui désigne le douaire donné par le nouveau marié à sa femme. Pourtant, dans les sociétés celtique et germanique, ce douaire, à l’origine, n’était donné qu’après la nuit de noces, c’est-à-dire après que le marié se fut assuré de la virginité de son épouse. Il s’agit donc bel et bien du « prix du sang virginal ». Or, si, à propos de Morgane, « la plus chaude et la plus luxurieuse femme de toute la Bretagne », selon le texte de la version cistercienne, il est difficile de parler de sang virginal, on peut cependant penser qu’elle incarne l’image parfaite de la Vierge éternelle, c’est-à-dire celle qui se régénère sans cesse, et qui, chaque matin, est de nouveau libre et disponible, et également puissante , ce qui est finalement le sens étymologique du mot « vierge », d’un latin virgo où l’on retrouve vis (génitif viris , « force » ; ou d’un ancien celtique wraka qui est à l’origine du breton groac’h , « sorcière », ainsi que du français « virago »). Tout se tient. Morgane est bel et bien une des images fortes de la Vierge universelle, maîtresse de la vie et de la mort, de l’amour et de la haine, l’ambiguïté faite femme.
    On aura confirmation de cette hypothèse en se tournant vers l’Irlande. C’est là en effet qu’ont été conservés, dans les manuscrits laissés par les moines chrétiens, les thèmes et les figurations les plus archaïques de la mythologie celtique. Et l’on ne peut que s’arrêter sur le fantastique personnage de Morrigane (ou Morrigu , au cas sujet), l’une des plus intéressantes représentations de la déesse universelle. Appartenant à la lignée des Tuatha Dé Danann, c’est-à-dire au clan des divinités issues de la déesse primordiale Dana (la Dôn de la tradition galloise), elle est l’être ambigu par excellence, régissant l’amour, la guerre, la prophétie et la magie. Elle provoque lascivement les guerriers (comme Morgane le fait avec Lancelot), les excite furieusement les uns contre les autres, hurle d’étranges prophéties et se livre à ses rituels magiques le plus souvent incompréhensibles. Et comme, dans la tradition celtique, les divinités ont au moins trois visages ou trois noms, elle est la « triple Brigit », celle que Jules César, dans ses Commentaires , appelle la Minerve gauloise, déesse de la Poésie, des Arts, des Techniques et de la Connaissance en général. Mais elle apparaît souvent, dans le cycle épique et mythologique irlandais, comme une sorte de divinité féminine trinitaire sous les noms de Morrigane-Bodbh-Macha. Il est alors très important d’examiner ces noms pour mieux comprendre ce que recouvre la Morgane du Cycle du Graal.
    Macha est quelque peu occultée dans la mesure où elle est présentée comme une fée « mélusinienne » proposant à un paysan de l’épouser, de lui procurer richesse et bonheur, à la condition de ne jamais parler d’elle. Bien entendu, le paysan, comme le Raymondin de la légende poitevine, transgresse l’interdit, et, après avoir dû, bien qu’enceinte, engager une course folle contre les chevaux du roi d’Ulster, Macha, victorieuse, donne naissance à des jumeaux, maudit tous les habitants d’Ulster et disparaît. On retrouvera cette Macha irlandaise dans la tradition galloise sous le nom de Rhiannon, et dans la statuaire gallo-romaine sous le nom d’Épona, la « déesse-cavalière », ou la « déesse jument ».
    Bodbh est le nom gaélique de la corneille. Dans la plus ancienne épopée d’Irlande, la célèbre Razzia des bœufs de Cualngé , elle apparaît sur le champ de bataille sous la forme d’une corneille qui vient harceler les combattants. On la retrouve dans de nombreux épisodes des récits arthuriens où elle accomplit les mêmes actions. Et Geoffroy de Monmouth, dans sa Vie de Merlin , prétend qu’elle et ses sœurs, qui vivent dans l’île des Pommiers, sont capables de se métamorphoser en oiseaux : car, dans le texte de Geoffroy, il s’agit bel et bien de Morgane, reine
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