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Les Dames du Graal

Les Dames du Graal

Titel: Les Dames du Graal
Autoren: Jean Markale
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quête du Graal.

CHAPITRE XII
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Morgane la Fée
     
     
    De tous les personnages qui s’agitent dans les aventures du Cycle du Graal, Morgane, la demi-sœur du roi Arthur, est peut-être celui qui exerce le plus de fascination. Cela tient d’abord au fait que Morgane est la forme littéraire qui a été calquée sur une divinité féminine archaïque dont elle est la réminiscence lointaine. Cela tient aussi au fait qu’elle a souvent été occultée dans les récits, surtout les plus christianisés, parce qu’elle semble trop « sulfureuse » pour être recommandable. De plus, on la connaît mal et on la confond sans raison avec la fée Viviane, la Dame du Lac {99} , et on en fait la mère de Mordret, destructeur de la société arthurienne, ce qui n’apparaît pourtant dans aucun texte. Tout vient de la confusion entretenue entre le nom de Morgause ( Morgawse dans la compilation anglaise tardive de Thomas Malory), qui est, dans certains textes, la femme du roi Loth d’Orcanie, c’est-à-dire Anna, une autre sœur d’Arthur, et le nom de Morgane, ou Morgue, qui ne figure, au départ, que dans les textes continentaux. La fée Morgane est en effet totalement absente des récits primitifs gallois concernant le mythe arthurien et le Cycle du Graal. Ce n’est que dans la version galloise de l’ Érec et Énide de Chrétien de Troyes qu’on pourrait la retrouver : encore faut-il préciser qu’il ne s’agit pas d’une femme, mais d’un homme, Morgan Tut, chef des médecins d’Arthur, et bien entendu dépositaire de toute la magie héritée des druides. Qui est donc en réalité cette Morgane que les textes français chargent volontiers de tous les péchés du monde ?
    Si l’on s’en tient à une étymologie celtique plus qu’évidente, le nom de Morgane provient d’un ancien brittonique Morigena , c’est-à-dire « née de la mer », dont l’équivalent en gaélique d’Irlande est Muirgen . Mais une telle interprétation ferait de Morgane une véritable fée des eaux, ce qui ne semble pas le cas. Pourtant, dans la tradition populaire de Bretagne armoricaine, on raconte souvent des histoires au sujet de mystérieuses mary-morgans qui sont des êtres féeriques vivant dans les eaux de la mer. Et si l’on va plus loin, on découvre dans la toponymie française un certain nombre de rivières ou de fontaines qui portent des noms comme Mourgue, Morgue ou Morgon. Mais il s’agit d’eau douce, et non de la mer. Et cela ne correspond nullement au personnage décrit dans les romans arthuriens, femme-fée, vaguement « sorcière » au sens vulgaire du terme, et quelque peu nymphomane, ce qui n’est pas contradictoire mais contribue à la faire présenter comme un être maléfique.
    Fait étrange, on ne la trouve jamais auprès du personnage primitif d’Arthur, sauf sous l’aspect masculin de Morgan Tut. Certes, on pourrait dire qu’il y a eu féminisation du sorcier, le médecin, appartenant autrefois à la classe des druides, étant considéré comme expert en magies diverses. Mais le cas se complique lorsque l’on constate, dans la tradition continentale, la présence d’un grand géant qui porte le nom de Morgant ; cependant, il n’a rien à voir avec Gargantua bien que Rabelais, bon connaisseur des légendes populaires, en ait fait l’un des ancêtres de Pantagruel, dans la plaisante généalogie dressée de celui-ci en son Second Livre . On trouve un récit très littéraire sur ce géant Morgant dans un ouvrage italien de 1466, dû au Florentin Luigi Pulci, ouvrage qui fut bientôt traduit et imprimé en français et connut un immense succès au cours du XVI e  siècle. Il s’agit de l’histoire de « Morgant le géant, lequel, avec ses frères, persécutait toujours les chrétiens et serviteurs de Dieu » ; mais ils furent, après de multiples péripéties, tués par le comte Roland, neveu de Charlemagne. Et si l’on en croit ce récit, Morgant habitait une grande montagne qui ne peut être que les Alpes, et l’action se prolonge dans le sud de l’Italie, dans les Pouilles très exactement, où se situe le fameux Monte Gargano qui porte le nom de Gargantua. Il faut évidemment prendre avec précaution ces récits de la Renaissance soi-disant inspirés de la tradition populaire : la tendance de l’époque est à la « fabrication » de mythes lorsque ceux-ci justifient l’invraisemblance du déroulement romanesque. Mais il n’y a pas de hasard. En Bretagne armoricaine,
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