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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes
Autoren: Amin Maalouf
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rares survivants reviennent ensanglantés vers Nicée. Estimant son prestige menacé, Kilij Arslan voudrait engager la bataille sur l'heure, mais les émirs de son armée l'en dissuadent. La nuit va bientôt tomber, et les Franj refluent déjà à la hâte vers leur camp. La vengeance devra attendre. 
    Pas pour longtemps. Enhardis, semble-t-il, par leur succès, les Occidentaux récidivent deux semaines plus tard. Cette fois, le fils de Suleiman, averti à temps, suit pas à pas leur progression. Une troupe franque, comprenant quelques chevaliers mais surtout des milliers de pillards dépenaillés, emprunte la route de Nicée, puis, contournant l'agglomération, se dirige vers l'est et s'empare par surprise de la forteresse de Xérigoron. 
    Le jeune sultan se décide. A la tête de ses hommes, il chevauche à vive allure vers la petite place forte où, pour célébrer leur victoire, les Franj s'enivrent, incapables d'imaginer que leur destin est déjà scellé. Car Xérigordon offre un piège que les soldats de Kilij Arslan connaissent bien mais que ces étrangers sans expérience n'ont pas su déceler : son approvisionnement en eau se trouve à l'extérieur, assez loin des murailles, et les Turcs ont vite fait d'en interdire l'accès. Il leur suffit de prendre position tout autour de la forteresse, et de n'en plus bouger. La soif se bat à leur place. 
    Pour les assiégés commence un supplice atroce : ils en arrivent à boire le sang de leurs montures et leur propre urine. On les aperçoit qui, en ces premiers jours d'octobre. regardent désespérément le ciel, quêtant quelques gouttes de pluie. En vain. Au bout d'une semaine, le meneur de l'expédition, un chevalier nommé Renaud, accepte de capituler si on lui accorde la vie sauve. Kilij Arslan, qui a exigé que les Franj renoncent publiquement à leur religion, n'est pas peu surpris quand Renaud se dit prêt non seulement à se convertir à l'islam mais aussi à se battre aux côtés des Turcs contre ses propres compagnons. Plusieurs de ses amis, qui se sont prêtés aux mêmes exigences, sont envoyés en captivité vers les villes de Syrie ou en Asie centrale. Les autres sont passés au fil de l'épée. 
    Le jeune sultan est fier de son exploit, mais il garde la tête froide. Après avoir accordé à ses hommes un répit pour le traditionnel partage du butin, il les rappelle à l'ordre dès le lendemain. Certes, les Franj ont perdu près de six mille hommes, mais ceux qui restent sont six fois plus nombreux, et c'est l'occasion ou jamais de s'en débarrasser. Pour y parvenir, il choisit la ruse : dépêcher deux espions, des Grecs, au camp de Civitot, pour annoncer que les hommes de Renaud sont en excellente condition, qu'ils ont réussi à s'emparer de Nicée elle-même, dont ils sont bien décidés à ne pas se laisser disputer les richesses par leurs coreligionnaires. Pendant ce temps, l'armée turque préparera une gigantesque embuscade. 
    De fait, les rumeurs, soigneusement propagées, suscitent dans le camp de Civitot l'effervescence prévue. On s'attroupe, on injurie Renaud et ses hommes, déjà la décision est prise de se mettre en route sans délai pour participer au pillage de Nicée. Mais voilà que soudain, on ne sait trop comment, un rescapé de l'expédition de Xérigordon arrive, dévoilant la vérité sur le sort de ses compagnons. Les espions de Kilij Arslan pensent avoir échoué dans leur mission, puisque les plus sages parmi les Franj prêchent le calme. Mais, le premier moment de consternation passé, l'excitation reprend. La foule s'agite et hurle : elle veut partir sur-le-champ, non plus pour participer au pillage mais pour « venger les martyrs ». Ceux qui hésitent sont traités de lâches. Finalement, les plus enragés obtiennent gain de cause et le départ est fixé pour le lendemain. Les espions du sultan, dont la ruse a été éventée mais l'objectif atteint, triomphent. Ils envoient dire à leur maître de se préparer au combat. 
    Le 21 octobre 1096, à l'aube, les Occidentaux quittent donc leur camp. Kilij Arslan n'est pas loin. Il a passé la nuit dans les collines proches de Civîtot. Ses hommes sont en place, bien dissimulés. Lui-même, d'où il est, peut apercevoir au loin la colonne des Franj qui soulève un nuage de poussière. Quelques centaines de chevaliers, la plupart sans armure, avancent en tête, suivis d'une foule de fantassins en désordre. Ils marchent depuis moins d'une heure quand le sultan entend
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