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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes
Autoren: Amin Maalouf
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les musulmans. Une vingtaine d'années plus tôt - Kilij Arslan n'était pas encore né, mais les vieux émirs de son armée le lui ont raconté - un de ces aventuriers aux cheveux blonds, un certain Rousse] de Bailleul, qui avait réussi à établir un Etat autonome en Asie Mineure, a même marché sur Constantinople. Affolés, les Byzantins n'avaient eu d'autre choix que de faire appel au père de Kilij Arslan, qui n'en avait pas cru ses oreilles lorsqu'un envoyé spécial du basileus l'avait supplié de voler à son secours. Les cavaliers turcs s'étaient alors effectivement dirigés vers Constantinople et avaient réussi a battre Roussel. Ce dont Suleiman avait été généreusement récompensé en or, en chevaux et en terres. 
    Depuis, les Byzantins se méfient des Franj, mais les armées impériales, constamment à court de soldats expérimentés, sont tenues de recruter des mercenaires. Pas uniquement des Franj, d'ailleurs : les guerriers turcs sont nombreux sous les drapeaux de l'empire chrétien. Précisément, c'est grâce à des congénères engagés dans l'armée byzantine que Kilij Arslan apprend, en juillet 1096, que des milliers de Franj s'approchent de Constantinople. Le tableau que lui brossent ses informateurs le laisse perplexe. Ces Occidentaux ressemblent fort peu aux mercenaires qu'on a l'habitude de voir. Il y a bien parmi eux quelques centaines de chevaliers et un nombre important de fantassins armés, mais aussi des milliers de femmes, d'enfants, de vieillards en guenilles : on dirait une peuplade chassée de ses terres par un envahisseur. On raconte aussi qu'ils portent tous, cousues sur le dos, des bandes de tissu en forme de croix. 
    Le jeune sultan, qui a du mal à mesurer le danger, demande à ses agents de redoubler de vigilance et de le tenir constamment au courant des faits et gestes de ces nouveaux envahisseurs. A tout hasard, il fait vérifier les fortifications de sa capitale. Les murailles de Nicée, qui ont plus d'un farsakh (six mille mètres) de long, sont surplombées de deux cent quarante tours. Au sud-ouest de la ville, les eaux calmes du lac Ascanios constituent une excellente protection naturelle. 
    Pourtant, aux premiers jours d'août, la menace se précise. Les Franj traversent le Bosphore, convoyés par des navires byzantins et, en dépit d'un soleil écrasant, avancent le long de la côte. Partout, et bien qu'on les ait vus piller sur leur passage plus d'une église grecque, on les entend clamer qu'ils viennent exterminer les musulmans. Leur chef serait un ermite du nom de Pierre. Les informateurs évaluent leur nombre à quelques dizaines de milliers, mais nul ne sait dire où leurs pas les portent. Il semble que l'empereur Alexis ait décidé de les installer à Civitot, un camp qu'il a fait aménager précédemment pour des mercenaires, à moins d'une journée de marche de Nicée. 
    Le palais du sultan connaît une folle effervescence. Tandis que les cavaliers turcs se tiennent prêts, à tout instant, à sauter sur leurs destriers, on assiste à un va-et-vient continuel d'espions et d'éclaireurs qui rapportent les moindres mouvements des Franj. On raconte que, chaque matin, ces derniers quittent leur camp en hordes de plusieurs milliers d'individus pour aller fourrager dans les environs, qu'ils pillent quelques fermes et en incendient quelques autres, avant de s'en retourner à Civitot où leurs clans se disputent les fruits de la razzia. Rien là qui puisse vraiment choquer les soldats du sultan. Rien non plus qui puisse inquiéter leur maître. Un mois durant, la même routine se poursuit. 
    Mais voilà qu'un jour, vers la mi-septembre, les Franj modifient brusquement leurs habitudes. N'ayant sans doute plus rien à glaner dans leur voisinage, ils ont pris, dit-on, la direction de Nicée, traversé quelques villages, tous chrétiens, et mis la main sur les récoltes qui venaient d'être engrangées en cette période de moisson, massacrant sans pitié les paysans qui tentaient de leur résister. Des enfants en bas âge auraient même été brûlés vifs. 
    Kilij Arslan se sent pris au dépourvu. Quand les premières nouvelles lui parviennent, les assaillants sont déjà sous les murs de sa capitale, et le soleil n'a pas encore atteint l'horizon que les citadins voient monter la fumée des incendies. Aussitôt, le sultan dépêche une patrouille de cavaliers qui se heurtent aux Franj. Ecrasés sous le nombre, les Turcs sont taillés en pièces. Seuls quelques
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