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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte
Autoren: Jean Markale
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authenticité qui s’attache à la
tradition. Qu’est-ce qui est en effet authentique dans la Tradition sinon la
tradition elle-même ? Par qui a donc été écrite la Genèse biblique ? Sûrement pas par les témoins des premiers âges de l’humanité.
Par qui ont été écrits les Évangiles ? Sûrement pas par les évangélistes
présumés : au demeurant, l’Église romaine, très prudente en l’espèce,
utilise un terme latin qui dit bien ce qu’il veut dire, secundum
Johannem (ou Marcum , ou Lucam ,
ou Mattheum ). Le mot secundum n’a jamais signifié « par », et la traduction française officielle,
« selon », n’est qu’un pis-aller pour « d’après la tradition
de ». Et, sans entrer dans de savantes exégèses, il est nécessaire de
replacer les prétendus poèmes homériques dans leur contexte : Homère n’a
jamais existé historiquement, il n’est que le prête-nom de nombreux rhapsodes (littéralement, « couseurs de chants »)
qui tentaient d’insérer dans un plan d’ensemble d’innombrables légendes ou
récits hérités d’une tradition orale venue de la nuit des temps. Il ne
viendrait à personne aujourd’hui l’idée saugrenue de prétendre que L’Iliade et L’Odyssée sont des œuvres
d’un seul auteur et d’ajouter que cet auteur, Homère en l’occurrence, fut le
témoin des événements qu’il relate. Ces deux ouvrages ne sont que des
récupérations très tardives de légendes orales concernant les dieux et les
héros de la Grèce antique ; et c’est d’ailleurs en cela qu’ils sont
passionnants, car ils constituent des témoignages irrécusables d’un passé qui,
sans eux, eût été englouti dans les marécages de l’oubli.
    Il faut cependant savoir que les récits homériques ne sont
rien d’autre que l’expression d’une tradition archaïque en une langue déjà
classique et à l’usage d’un public qui n’était plus celui qu’ils décrivaient.
Il en est de même pour les épopées celtiques. Si elles ont été mises par écrit
bien après les faits relatés (si tant est que ces faits fussent réels, ce qui
est loin d’être prouvé), ou plutôt bien après qu’ils eurent été élaborés, cela
ne veut absolument pas dire que la tradition qu’elles véhiculent ne soit pas
authentique. De fait, en matière d’épopée, le problème de l’authenticité ne
devrait jamais être posé, car il débouche nécessairement sur un non-sens :
en ce domaine, rien n’est vrai, rien n’est faux ; tout est, sous une forme
imagée, symbolique, codée, témoignage de la réalité profonde d’une
civilisation.
    « Si l’on considère les dates, c’est la saga irlandaise
qui nous fournit le type le plus ancien de l’épopée celtique. » [7] Cette
affirmation de Georges Dottin ne peut guère être récusée, puisque ce sont les
manuscrits irlandais, écrits en langue gaélique, qui nous ont transmis le plus
grand nombre de récits épiques dont l’étude interne prouve abondamment
l’ancienneté, notamment par rapport à ceux qui sont collectés dans les
manuscrits du pays de Galles. Et l’on sait, par cette même étude interne des
textes, que c’est à partir du VII e  siècle de
notre ère que les moines irlandais commencèrent leur patient travail de mise
par écrit de la tradition orale gaélique qui était encore leur à l’époque.
    Bien entendu, ces premiers manuscrits ont disparu, usés par
le temps. C’est le cas de tous les manuscrits qui proviennent de l’Antiquité et
du haut Moyen Âge. Il ne faut pas croire que les manuscrits si précieusement
conservés – et soignés ! – de nos jours dans les bibliothèques et les
archives soient des originaux. Ils sont seulement les copies de manuscrits plus
anciens dont on voulait par ce biais préserver le contenu, bien avant que
l’imprimerie ne fit illusion sur la pérennité de l’écrit. Ni les livres, ni les
parchemins, ni les vélins ne sont à l’abri de la dégradation. Quand les moines
irlandais mettaient par écrit les grandes épopées du passé, ils savaient
pertinemment que d’autres, plus tard, prendraient le relais et prolongeraient
leur ouvrage. Il n’est donc pas étonnant que les manuscrits dont on dispose
actuellement, et auxquels les techniques scientifiques modernes assurent une
durée de vie supérieure, ne soient guère antérieurs au X e  siècle.
Mais quelques risques, tant d’erreur et de simplification que d’adaptation, de
transposition, que
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