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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte
Autoren: Jean Markale
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AVANT-PROPOS

Aux frontières du réel
    Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux
rivages,
    Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
    Ne pourrons-nous jamais, sur l’océan des
âges,
    Jeter l’ancre un seul jour ?
    LAMARTINE, Le Lac.
     
    Une civilisation, quelle qu’elle soit, ancienne ou moderne,
n’est reconnue comme telle dans son identité et dans sa spécificité qu’à
travers une tradition transmise de génération en génération et qui en constitue
le témoignage essentiel. Cette tradition rassemble la mémoire d’un peuple ou
d’un groupe de peuples qui vivent dans des conditions sinon semblables, du
moins équivalentes ; et elle peut s’exprimer selon des modes très divers,
allant de la simple coutume aux spéculations intellectuelles les plus
raffinées. Mais, dans l’histoire de l’humanité, on en a toujours privilégié
l’expression par l’écriture, parce que celle-ci était considérée comme le moyen
le plus sûr et le plus fidèle de conserver la mémoire du passé. Il va de soi
que la Grèce est le pays d’Hésiode, Homère, Eschyle, Hérodote et Platon, même
si la sculpture occupe une place de choix dans notre vision scolaire de sa
civilisation dont on a dit et répété qu’elle constituait un miracle sans lequel rien n’eût été possible. Ainsi, pour les Grecs, le problème de la
reconnaissance de leur identité culturelle ne se pose-t-il pas : ils ont
laissé suffisamment d’écrits pour qu’on les classe parmi les peuples
« civilisés ». Mais que dire alors de tous les autres peuples qui,
pour une raison ou pour une autre, ne connaissaient pas l’écriture ou ne l’ont
jamais utilisée ?
    Il fut un temps où toute civilisation dépourvue d’écriture
était rejetée comme incertaine, incohérente et primitive ,
en vertu de la croyance en la célèbre « mentalité prélogique » si
chère à l’école sociologique française du début du XX e  siècle.
Cette idéologie, car c’en est une, est l’aboutissement d’un système construit
sur l’universalité d’une Raison unique et qui justifiait toute entreprise de
colonisation, culturelle ou autre, et de mission ,
quelles qu’en fussent les intentions ; elle a longtemps privé l’humanité
d’une part très importante d’elle-même puisqu’elle écartait, sans discussion,
tout ce qui n’appartenait pas aux normes en usage dans un système de référence
immuable et incontestable. Qu’elle procédât d’ignorance ou de mépris envers la
différence, peu importe. On n’en est plus là. Il ne fait plus de doute pour
personne que les édificateurs de mégalithes, actifs du 5 e au 2 e  millénaire avant notre ère, et dont on ne
connaît ni le nom ni la langue, étaient les magnifiques artisans d’une
brillante civilisation qui couvrit une grande partie de l’Europe et la marqua
pour jamais de son empreinte. En fait d’écrits, pourtant, ils n’ont rien
laissé. D’eux ne subsistent que des monuments, ainsi que de mystérieux signes
gravés sur la pierre et qui, pour être plus magiques que scripturaires,
témoignent assurément non seulement d’un grand sens artistique mais d’une
pensée très organisée et déjà presque scientifique. Il est vrai que l’étude de
ces signes et celle de l’architecture extraordinairement complexe de ces
monuments, l’analyse et la confrontation des divers objets archéologiques
contemporains, permettent désormais de reconstituer, fût-ce de façon incomplète
et conjecturale, une certaine tradition propre à la civilisation dite
mégalithique.
    Le cas de la tradition celtique est tout à fait analogue.
Jamais il n’est venu à l’idée de personne de nier l’existence des Celtes :
on en a même fait les uniques prédécesseurs des Romains, leur attribuant sans
aucun discernement tous les vestiges qu’on savait antérieurs à ceux-ci. Mais
c’est toujours avec un mépris affiché qu’on a traité ces peuples dont le seul
défaut paraît bien être de n’avoir pas succombé aux charmes de l’écriture. Car
c’est une réalité incontestable : les Celtes n’écrivirent rien avant leur
christianisation, c’est-à-dire avant que des moines érudits et patients ne
recueillissent dans de précieux manuscrits les témoignages oraux d’un passé qui
était le leur et qu’ils voulurent à tout prix sauver de l’oubli. Ainsi
disposons-nous de témoignages qui, si incomplets ou déformés qu’ils soient,
n’en livrent pas moins les
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