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Les cochons d'argent

Les cochons d'argent

Titel: Les cochons d'argent
Autoren: Lindsey Davis
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dis-je.
    Helena Justina se détourna, portant son regard à nouveau vers la ville. Je sentais le bandage serré qui me comprimait le thorax, protégeant les côtes droites que j’avais blessées en Bretagne.
    — Je suis vraiment très heureux de vous voir !
    — Moi ? (Elle se retourna avec agressivité.) Ou simplement n’importe qui ?
    — Vous, dis-je.
     
    — Oh, Marcus… Où êtes-vous allé ?
    Cette fois sa voix avait une intonation différente.
    Je lui racontai ma promenade et l’entretien avec Vespasien.
    — Vous travaillez donc pour l’Empereur ?
    Elle ne voulait pas comprendre que j’allais travailler pour elle…
    — Non, je continue à travailler pour mon compte. Mais si je parviens à réunir la somme, il a accepté de m’inscrire sur la liste des promotions.
    — Cela vous prendra combien de temps ?
    — Grosso modo quatre cents ans…
    — Je suis prête à attendre !
    — Enfin, à condition d’arrêter de manger et de m’installer dans un tonneau sous le pont Fabricien ! Et je ne veux pas que vous attendiez !
    — Je ferai ce qui me plaira !
    Énervée, Helena se passa la main sur les yeux et je compris alors qu’elle était aussi fatiguée que moi. Je lui tendis la main ; elle se décida enfin à me rejoindre. Elle s’installa à mes côtés. Je passai un bras derrière elle pour la protéger du mur rugueux. Elle s’était assise un peu à l’écart et je la sentais tendue. Je tirai en arrière la cape qui lui couvrait la tête et, lorsque je me mis à caresser sa douce chevelure, elle ferma les yeux. Je compris qu’elle n’exprimait pas là un quelconque dégoût, mais qu’elle s’abandonnait au désir.
    Faisant passer une boucle égarée derrière son oreille, je lui confiai doucement combien j’avais toujours aimé sa façon bien à elle de boucler ses cheveux.
    Elle ne releva pas mon compliment et me dit froidement :
    — Pendant que je vous attendais, j’ai dû éconduire trois demoiselles fort lestement habillées… Elles semblaient convaincues que vous étiez devenu riche…
    Je pris sa main ; elle portait ma bague. Je m’y attendais un peu, mais pas au majeur de sa main gauche…
    — Votre mère est passée. (Elle resserra ses doigts autour des miens.) Elle trouvait bien que quelqu’un vous attende. Elle ne s’est pas privée pour me dire que vous alliez rentrer fatigué et grelottant, ivre et penaud comme Cerbère. Elle met peu d’espoir en vous.
    — Elle pense qu’il me faut une bonne épouse.
    — Et qu’en dites-vous ?
    — Si j’en trouve une, je ne pourrais que la décevoir.
    — Ce serait peut-être réciproque. Ou…
    — Ou peut-être pas, reconnus-je avec précaution. De toute façon, chère Helena, le problème n’est pas là.
    Elle reprit après un silence.
    — Vous m’aviez dit qu’il serait tragique pour vous de m’aimer. Et si je vous aimais en retour ?
    — Promis, je vous pardonnerai ! Si toutefois vous êtes capable de vous pardonner vous-même !
    Elle ouvrit la bouche pour parler mais je l’interrompis en posant délicatement un doigt sur ses lèvres.
    — Non… Je ne veux pas en entendre parler. Vous avez vu le genre de vie que je mène ; je ne pourrais jamais vous amener dans ce lieu minable. Quant à l’avenir, il ne promet pas d’être glorieux… Je ne peux pas vous faire l’affront de promesses illusoires… Autant accepter les choses telles qu’elles sont… Ne dites rien, belle demoiselle… Fuyez, tant qu’il en est encore temps…
    Helena Justina répéta tristement ce que je lui avais dit quelques minutes auparavant.
    — Il est trop tard…
    Je la relâchai et cachai mon visage dans mes mains.
     
    Un énorme papillon de nuit plongea contre ma lampe. Il se retrouva sur la table, hébété. Il mesurait bien trois centimètres et avait la forme d’un levier de catapulte, avec de puissantes ailes marron tachetées, repliées contre son corps. Il avait l’air aussi sonné que moi.
    Je me levai et plaçai délicatement l’insecte dans un pli de ma tunique ; on peut être courageux et ne pas aimer sentir une petite bête se débattre dans la paume de sa main… Helena éteignit la lampe.
    Je posai le papillon dans un de mes bacs à fleurs où il finit par se redresser après quelques hésitations. S’il ne s’envolait pas, il risquait fort de servir de petit déjeuner à un pigeon le lendemain matin… Je m’arrêtai un moment pour contempler Rome. L’instant s’était déjà
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