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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille
Autoren: Dan Franck
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gauche.
    — Vous l’avez appris quand ?
    — Après la guerre.
    — D’autres le savaient.
    — Personne.
    — Ce sera difficile à démontrer. »
    Le juge le croyait aussi. Mais il fera citer Alain, le secrétaire de Max, à la barre du tribunal. Il l’a croisé, un jour, par hasard, devant un restaurant de la place Léon-Blum. C’était quelques mois seulement avant d’entamer l’instruction fantôme. Le juge rejoignait à pied le boulevard Voltaire, n° 179. Il avait repéré un petit homme qui descendait d’un taxi. Il l’avait aussitôt reconnu : après avoir écrit des milliers de pages sur Jean Moulin, Alain venait de publier ses Mémoires ; son visage était connu. Le juge avait attendu deux heures devant le restaurant. Quand Alain en était ressorti, il l’avait abordé. Il s’était présenté. Et il avait posé une question à laquelle, jusqu’alors, il avait été incapable d’apporter une réponse définitive : les chefs des mouvements de Résistance savaient-ils que derrière Mercier, Rex, Max, se cachait un ancien préfet de la République, chef de cabinet d’un ministre du Front populaire, révoqué par Vichy car radical-socialiste ? D’une petite voix fluette, sur un ton d’une exquise amabilité, Alain avait répondu par l’affirmative. Avant de partir pour Londres, lorsqu’il collectait toutes les informations possibles sur les mouvementsalors en formation, Max avait été obligé de se présenter. Sinon, aucun de ses interlocuteurs ne lui aurait fait confiance, lui abandonnant des secrets essentiels. Et lorsqu’il les avait retrouvés, à Marseille, en janvier 1942, faisant passer parmi eux le microfilm sur lequel se trouvait le message du général de Gaulle, tous savaient à qui ils avaient affaire.
    « Mais pas moi ! »
    C’est la défense de Hardy. Le juge ne met pas en doute ce point particulier. Alain, certainement le collaborateur le plus proche de Max, n’apprit que longtemps après sa mort son identité réelle. Seuls les principaux chefs des mouvements la connaissaient.
    « Barrès ?
    — Que lui voulez-vous encore ?
    — Savait-il qui était Max ?
    — Demandez-le-lui !
    — Il est intouchable. »
    Personne, pas plus au cours des instructions que des deux procès intentés à Hardy, n’avait soumis Barrès à la question. Le personnage était trop important pour être malmené. Figure légendaire de la Résistance, homme d’influence, protégé par tous. Compagnon de la Libération, grand officier de la Légion d’honneur, député gaulliste après la guerre, ami des puissants.
    « Oublions Barrès », souffle le juge.
    Il y reviendra.
    « Dans vos activités résistantes, avez-vous rencontré Ravanel ? »
    Hardy secoue la tête.
    « Mais vous savez évidemment qui il était ?
    — Le chef des Corps francs, il me semble.
    — Colonel à vingt-quatre ans, libérateur de Toulouse. Magnifique chef de guerre.
    — Comme moi avant cette saloperie, réplique Hardy.
    — J’ai rencontré Ravanel, dit le juge. Chez lui, un jour d’automne. »
    Hardy l’observe avec un léger mépris, signifiant clairement que cette rencontre ne le concerne pas.
    « Attendez un peu », objecte le juge.
    Il se tourne vers le greffier et lui commande d’interrompre son travail.
    « Ravanel habitait dans un bloc d’immeubles du XIII e  arrondissement de Paris, haut en étages, bas en couleur. Beaucoup d’anciens Résistants vivent là. Ils sont voisins. Ils partagent les mêmes paliers et une mémoire commune… Ravanel, de son vrai nom Serge Asher. Ce n’est pas lui qui m’a ouvert, mais un infirmier. Il m’a conduit dans un salon kitsch encombré de meubles, de photos, de souvenirs.On y lisait la vie de Ravanel : résistant, mari, père, grand-père. Ici avec des camarades combattants, là entouré de ses enfants et petits-enfants. Il y avait une collection d’assiettes, aussi, et des napperons sur les tables. Le soleil frappait au carreau, très vif… Ravanel est entré, soutenu par l’infirmier. Vêtu d’un pantalon de velours et d’une chemisette. Maigre, le visage décharné. La main sèche et vigoureuse. On l’a aidé à s’asseoir. Puis sa femme est entrée. Elle aussi se déplaçait difficilement. Elle s’est installée sur un fauteuil de velours, à l’écart, entre lui et moi. Elle ne le quittait pas du regard. Elle le veillait. Je venais pour parler de Max. Je lui ai posé des milliers de questions. Et lui, une seule.
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