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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille
Autoren: Dan Franck
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asseoir pour dormir. Il y a des trafiquants de marché noir, quelques réfractaires dissimulés, des enfants, leurs parents. Des collabos aussi : les seuls à ne pas craindre les contrôles. Ceux-là ont les meilleures places. Serrés dans les compartiments, ils se laissent aller à des demi-sommeils cotonneux. Les autres attendent et guettent. Même munis de papiers, ils sont des semi-clandestins. Nul n’est à l’abri d’une interpellation. Ils sont juifs, étrangers, illégaux. Ils restent sur leurs gardes. Ils surveillent qui passe, qui les bouscule, ils scrutent au loin, par-dessus les têtes, en direction des portières. Ils ont peur. S’ils sont pris, ils n’ont aucun doute sur le sort qui leur est promis. Y songe-t-il, René Hardy, tout en se frayant un passage à coups d’épaules vers la couchette n° 8 que sa fiancée lui a réservée ? A quoi pense-t-il ?
    « A mes papiers, bien sûr. »
    Il voyage sous son identité réelle. Il ignore si Multon la connaît. Il ignore tout autant que le traître forme tandem avec un type d’une trentaine d’années, Robert Moog, alsacien, agent K30 de la Gestapo. Et c’est Moog qui, remarquant le cillement d’œil de soncollaborateur et traître français, l’interroge sur l’objet de sa curiosité.
    « Voilà pourquoi, déclare René Hardy, j’ai sauté du train avant d’arriver à Chalon : je me savais repéré. »
    Après Caluire, le commissaire envoyé auprès de René Hardy pour l’interroger n’a pas contesté ce fait : aucun élément matériel ne l’infirmait. Pendant de nombreux mois, les personnes s’intéressant à l’affaire ont légitimement considéré comme probable la scène décrite par le chef de Résistance-Fer :
    Il n’est pas très loin d’une heure du matin. Le train approche de Chalon. Allongé sur sa couchette, Hardy observe le paysage tout en mesurant le ralentissement du convoi. Moog et Multon se trouvent dans le compartiment voisin. Ils peuvent surgir d’un moment à l’autre. Vaut-il mieux se briser les jambes en s’échappant, ou se fracasser la tête en tombant entre les mains de la Gestapo ?
    « J’ai choisi les jambes. »
    Le juge et Hardy se fuient du regard. Le juge, parce que le sujet qui lui importe, pour le moment, n’est pas celui-là ; Hardy, parce qu’il ment. Le juge se contente d’un trait à demi moucheté. Il demande à Hardy pourquoi il a attendu Chalon pour sauter. Hardy hausse les épaules :
    « Quelle importance ?
    — Voulez-vous que je me mette à votre place ?
    — Essayez toujours.
    — Il est vingt-deux heures quand vous repérez deux types dont vous savez qu’ils vont vous arrêter.
    — Pas sûr…
    — Evidemment. Sinon vous n’auriez pas fui.
    — Et puis ?
    — Vous sautez trois heures plus tard. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ? Vous couriez le risque de voir la Gestapo faire irruption dans votre compartiment.
    — Le train roulait trop vite.
    — Cinquante kilomètres-heure de moyenne. Cela suppose des accélérations, mais aussi des ralentissements. »
    Hardy écarte les bras, signifiant le peu d’intérêt qu’il accorde à cette vétille.
    « Oublions pour le moment, concède le juge. Qu’avez-vous fait après ?
    — Je me suis caché dans la campagne. Au petit jour, j’ai pris un autre train, puis un autre encore, et je suis allé à Nîmes.
    — Pourquoi Nîmes ?
    — J’y avais une affaire de motoculture. J’ai rencontré l’ami à qui je l’avais cédée, puis lechef départemental de l’Armée secrète. Nous devions prendre une décision concernant le maquis de Bagnols-sur-Cèze… Ces personnes confirmeront m’avoir vu.
    — J’ai leur témoignage dans le dossier, reconnaît le juge. Quand êtes-vous rentré à Lyon ?
    — Le 12 juin.
    — Qui avez-vous rencontré ?
    — Plusieurs camarades.
    — Mais encore ? »
    Le juge connaît la réponse. Il veut qu’elle lui soit servie sur un plateau.
    « Plusieurs camarades, répète Hardy.
    — Je veux les noms. »
    Il en donne deux.
    « Le troisième ? »
    Il considère le juge un bref instant, de biais.
    « Je vous écoute. »
    Son visage oscille de quelques degrés. Il regarde le mur quand il lâche :
    « Barrès.
    — Parfait, dit le juge. Mais êtes-vous sûr de l’avoir rencontré le 12 ? »
    Hardy hésite, désarçonné par la question. Il paraît douter.
    « Nous y reviendrons. Maintenant, je veux l’identité de celui qui vous a envoyé à
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