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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles
Autoren: Arlette Cousture
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Sur le mur perpendiculaire à celui qui donnaitsur la rue se trouvait une jolie cheminée qui fonctionnait, à en juger par la présence d’un tisonnier suspendu à côté. Entre la cheminée et la cuisine, Adam avait installé son lit. Près du mur en face de la cheminée, il y avait deux fauteuils et deux chaises droites, deux lutrins et un bureau appuyé contre la paroi. Entre le bureau et la porte d’entrée se trouvait une table recouverte d’une nappe cirée et assez grande pour accueillir quatre personnes. Le violoncelle était appuyé contre un support et l’étui du violon était déposé sur une étagère, à côté d’une flûte tordue et carbonisée.
    – Pour votre enfant?
    – Pour mon enfant...?
    – Les cours...
    – Oui. J’ai déjà joué du violon, en fait, de l’alto, mais vous n’avez qu’à voir l’état de mes mains pour comprendre que je n’en joue plus.
    Adam lui regarda les mains, le plaignit et se tut, attendant les questions. Jan essayait de deviner si son visage pouvait réveiller un souvenir ou provoquer une réaction, mais il ne voyait rien, Adam étant un jeune homme poli et visiblement très occupé.
    – Quelle méthode utilisez-vous?
    Adam éclata de rire, répondant qu’il était rare qu’on lui pose cette question et que seuls les initiés pouvaient le faire.
    – Je ne suis pas vraiment connaisseur, mais mes parents l’étaient et ma sœur l’est aussi.
    – Vos parents étaient musiciens?
    Jan avait le sentiment d’être dans une salle de torture. Jamais il n’avait autant souffert et il ne souhaitait qu’une chose: qu’Adam lui dise que la comédieavait assez duré, qu’il n’était pas dupe et qu’il l’avait reconnu.
    – Ma mère était professeur de piano et jouait aussi du violon. Mon père, lui, était professeur d’université et jouait du violoncelle. Ma sœur est professeur de violon et mon frère en joue aussi, pour se divertir.
    Adam lui offrit un café, que Jan n’osa refuser même s’il avait envie de s’enfuir, se demandant subitement s’il avait le droit de troubler l’âme peut-être mutilée de son frère. Apparemment, Adam n’avait aucun souvenir de sa petite enfance. Peut-être Schneider vivait-il encore et le gardait-il sous sa coupe.
    – D’où vient votre accent? Il est drôlement musical.
    – Je suis maintenant canadien, mais je suis né à Cracovie, en Pologne.
    – Je suis français, mais je suis né à Berlin, en Allemagne.
    Jan faillit lui demander pour quelle raison Schneider avait quitté l’orchestre de Munich, mais il se tut, effrayé d’avoir frôlé le gouffre de l’aveu. C’est à ce moment que son regard fut attiré par une petite photo dans un cadre accroché au mur du lit. Il se leva nonchalamment et alla la regarder. C’était Adam et Schneider, Adam portant fièrement son petit uniforme de l’armée allemande. Jan se sentit tellement mal que ses jambes se dérobèrent et qu’il dut reprendre son équilibre en s’appuyant sur le lit.
    – Vous ne vous sentez pas bien?
    – Non, Adam, je ne me sens pas bien.
    – Pardon?
    – Pardonne-moi, mais j’ai dit que je ne me sentais pas bien du tout.
    Adam avait l’air méfiant, le tutoiement de Jan ayant éveillé sa curiosité ou peut-être son mépris. Jan décrocha le petit cadre, et Adam, perplexe, ne dit pas un mot, comprenant que ce visiteur n’était pas venu pour les cours. Jan marchait lentement, les yeux embrouillés de souvenirs. Ce qu’il vivait était si irréel, si imprévisible, qu’il n’avait jamais envisagé que cela pût se produire, pas plus qu’il n’avait évoqué l’idée qu’Adam eût pu survivre à la fusillade. Mais il avait besoin, moralement, physiquement, viscéralement, de redevenir son frère aîné, de se faire pardonner de ne pas être parti à sa recherche.
    – Cette photo a été prise en décembre 1944, et
Herr
Schneider t’avait offert cet uniforme. Maman et papa t’ont interdit de le mettre et tu t’es enfermé dans la salle de bains pour protester. Alors, ils ont accepté que tu le portes, à la condition que tu ne sortes pas de la maison et que tu ne le remettes jamais. Je t’ai emmené dans le jardin à l’arrière de la maison et nous avons enterré l’uniforme dans la cour.
    Adam ne quitta plus Jan des yeux et, l’air soucieux, alla s’asseoir dans un des deux fauteuils. Jan alla s’asseoir dans le second.
    – Qui vous a dit...?
    – Personne ne m’a dit, Adam. J’étais là.
Herr
Schneider
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