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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles
Autoren: Arlette Cousture
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Je suis donc remonté au bureau de ton père pour y passer ma colère et ma frustration, et je lui ai demandé s’il comprenait ce qui serait arrivé si Hitler avait été tué. De sa réaction timorée, je déduis qu’il a pensé que j’aurais vu la chose comme une catastrophe, alors que c’était la bénédiction dont l’Allemagne, que dis-je, le monde avait besoin. J’ai alors remarqué qu’il calquait une carte géographique sur du papier pelure. Ton père, je le savais, n’avait pas quitté l’enseignement, et il s’y adonnait avec d’autres résistants. Je lui ai souri en lui demandant si ce qu’il faisait était pour son travail. Il n’a pas compris que je lui disais ainsi que j’étais au courant de toutes ses activités et que je n’avais jamais eu l’intention de le dénoncer. Ce Noël-là, je leur ai conseillé de manger à leur faim. Ton père a cru que je leur annonçais cyniquement qu’ils iraient immédiatement à la potence et qu’ils avaient droit au dernier repas du condamné. Oh! Adam, c’était terriblement difficile de me taire, de ne pas leur dire que je les protégeais depuis le premier jour. Les S.S. ont commencé à me lancer des pointes et à faire des allusions, et j’ai parfois eu peur qu’ils s’en prennent à vous, surtout le soir où j’ai appris qu’ils avaient tué Meister Porowski. Ce soir-là, j’ai longuement prié pour qu’il accorde son pardon à l’Allemagne, qui l’avait tué parce qu’il venait vous porter de la nourriture. C’est au cours de cette soirée que fut prise la photo où nous sommes côte à côte au garde-à-vous. L’autre photo, sur laquelle se trouve ta mère, tu l’as prise toi-même sans faire exprès, quelques jours plus tôt. Ta mère était une femme merveilleuse, jolie et talentueuse. Ta sœur lui ressemblait beaucoup
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    Bon, tu dois trouver que je m’épanche trop et que cela ne me ressemble guère, aussi vais-je essayer d’être bref. Nous perdions la guerre et les Prussiens sont de mauvais perdants. La tension dans la ville montait de minute en minute, un peu comme une marée. Quelques jours avant la chute de Cracovie, je suis tombé sur une liste de personnes qui devaient être exécutées et j’ai vu vos noms! Comment te dire mon effroi? Ton père et ta mère pour avoir fait de la résistance, ton frère pour son petit commerce illicite de charbon – il était futé comme pas un, tenant tête à n’importe qui du haut de ses quinze ans –, ta sœur parce qu’elle fréquentait l’école et qu’elle faisait avec toi la distribution du courrier des résistants. Tu n’aurais jamais figuré sur cette liste cinq ans plus tôt, puisque tu étais et es toujours trop «aryen», avec ta tête blonde et tes yeux clairs
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    J’aurais voulu arracher la page du registre, mais je n’ai pas réussi à être seul une minute. Je suis donc rentré à la maison un peu plus tôt, et j’ai demandé à ton père de quitter la ville et de vous emmener à la ferme de Meister Porowski. Ton père me regardait avec méfiance et j’avais sincèrement envie de le secouer. Quand, le lendemain, j’ai vu que vous n’étiez pas partis par le premier train, je suis allé m’enfermer quelques minutes dans ma chambre pour réfléchir. Ton père est venu me voir et m’a demandé: «Est-ce pour aujourd’hui?» Je lui ai dit que oui et il m’a remercié. Puis il est allé vous retrouver et vous a fait partir tout de suite. Quand je suis arrivé au Wawel, j’ai appris que le peloton d’exécution avait déjà commencé sa journée. Je suis donc revenu à la maison à la hâte, prétextant que j’avais oublié quelque chose. C’est alorsque je les ai vus, traînant tes parents dans la neige et la boue. Tu étais là aussi et j’ai cru mourir. Ton père les a suppliés de vous épargner, toi et ta mère, mais il n’a pu finir sa phrase. Je jouais des coudes pour m’approcher afin que ta mère me voie, et, quand elle m’a aperçu, elle a crié: «Adam, Heil Hitler! Heil Hitler!» Elle te poussait vers moi et, des yeux, me suppliait de te sauver. En te demandant de saluer le diable, elle te demandait de te germaniser, ce que tu as fait. Tu te rends compte? Elle a été exécutée pour avoir fait de la résistance et elle est morte en criant: «Heil Hitler!» Nous sommes les seuls à avoir compris son message. Alors, tu t’es lancé dans mes bras et je t’ai pris en te disant que tu étais trop beau, trop blond, trop aryen et que je te
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