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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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silencieux que
s’il eût été fait de marbre. Pendant ce temps, du mouchoir qu’elle avait
emporté et qui trouvait là un emploi peut-être prémédité, la reine essuyait les
pleurs qui coulaient sur ses joues, tout en jetant à son fils des regards de
côté.
    Comme il ne branlait pas d’un pouce et paraissait n’attendre
que son bon vouloir pour se retirer, elle se résolut à refouler ses larmes, et
reprit sur le ton le plus pathétique, mais cette fois, sans lui dire « mon
fils », « Sire », ni même « Monsieur ».
    — Je m’en vais. Je vous supplie d’une grâce en partant,
que je veux me promettre que vous ne me refuserez pas, qui est de me rendre
Barbin, mon intendant.
    Barbin, en effet, avait été son intendant, avant de devenir,
avec son assentiment, ministre. Or, cette demande ne pouvait que rebrousser le
roi à l’extrême, d’abord parce qu’en la formulant, Marie, partenaire déloyale,
sortait du rollet qu’elle avait accepté, ensuite parce que des trois ministres
de Conchine, le roi tenait Barbin pour le plus coupable.
    Le roi ne fut pas la seule personne à qui cette intervention
déplut au plus haut point. Et je m’en aperçus avec quelque amusement, malgré la
gravité de l’heure, quand je vis Richelieu, qui se tenait debout à la droite de
la reine et un peu en retrait, froncer le nez. Car si le roi acceptait cette
requête in extremis de la reine et lui « rendait » Barbin, c’en eût
été fait de la place prépondérante du prélat au Conseil de Marie, Barbin ayant
sur lui l’avantage de l’ancienneté, des services rendus de longue date à la
reine et de la grande confiance qu’elle lui témoignait.
    Les alarmes de Richelieu furent de courte durée : le
roi, conservant son immobilité de pierre, regarda la reine fermement dans les
yeux, et ne répondit ni mot ni miette. On ne pouvait mieux lui signifier que
tout ce qu’elle pourrait ajouter au discours qu’elle avait appris ne serait pas
considéré. Toute autre créature de Dieu, homme ou femme, se le serait tenu pour
dit, mais point Marie ! Et pour la première fois, j’éprouvai quelque compassion
pour elle : elle me faisait penser à une grosse guêpe se cognant cent fois
à une vitre.
    — Ne me refusez point, reprit-elle, cette seule prière
que je vous fais !
    Le roi, les yeux toujours fichés dans les siens, demeura
silencieux. Sa mère, alors, pour la troisième fois, et sans mesurer le ridicule
dans lequel la jetait son aveugle obstination, repartit à l’assaut, et ajouta
avec une emphase de tragédienne qui me parut péniblement hors de ton :
    — Peut-être est-ce la dernière prière que je vous ferai
jamais !
    Cette insistance si déplacée créa chez les assistants
quelque mésaise, tant il était clair que Marie s’abaissait inutilement et que
cette troisième vague allait se briser, comme les deux premières, sur l’immobilité
et le silence du roi. Car enfin, s’il lui avait enlevé tout pouvoir et la
reléguait en province, de quel crédit pouvait-elle se flatter d’avoir encore
sur lui pour qu’elle espérât le faire revenir sur une décision politique
d’aussi exemplaire conséquence que la condamnation de Barbin ?
    Bien que l’immobilité de Louis fût parfaite, le regard qu’il
attachait sur Marie ne comportait ni dédain, ni irritation, mais une patience
polie, comme si l’entretien étant fini en ce qui le concernait, il attendait avec
courtoisie qu’elle voulût bien prendre congé.
    Marie l’entendit enfin et abandonnant prière, emphase et
tragédie, elle dit sur un ton des plus vulgaires :
    — Or sus !
    Et s’avançant vers le roi à le toucher, elle fit une chose
bien plus étonnante que toutes les paroles de son cru qu’elle venait
d’articuler : elle lui bailla un baiser. Louis tressaillit, se recula
vivement et faisant à sa mère une profonde révérence, il lui tourna le dos et
marcha vers la porte. Toutefois, l’ayant atteinte, il ne la franchit pas, mais
attendit que sa suite eût pris congé de la reine. Ce que nous fîmes, l’un après
l’autre, selon les formes protocolaires. Mais quand le tour de Luynes arriva,
la reine se saisit de son bras, et à mi-voix le pria de la façon la plus
pressante d’insister auprès de son maître pour qu’il libérât Barbin. Louis
devina son insistance, et se retournant à demi, d’une voix où perçait
l’exaspération qu’il avait réussi à contenir d’un bout à l’autre de cette
scène,
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