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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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autre
ornement qu’un mouchoir de dentelle qu’elle portait à la main. Je ne lui
trouvai pas la « mine basse », comme le dirent après coup d’aucuns
d’entre nous. Ce qui leur donna, je crois, ce sentiment fut que son visage
n’arborait pas cette superbe qui éclatait en lui à l’accoutumée. Mais il faut
bien avouer qu’il était difficile à Marie de porter la crête haute en une
situation aussi humiliante.
    Quand elle apparut, le roi se découvrit, s’avança d’un pas
ou deux dans sa direction, mais sans s’approcher d’elle ; et se tenant
environ à une toise de sa personne, son chapeau à la main, il l’envisagea, sans
que son visage trahît la moindre émotion, et dit d’une voix posée :
    — Madame, je viens ici pour vous dire adieu et vous
assurer que j’aurai soin de vous comme de ma mère. J’ai désiré vous soulager de
la peine que vous preniez en mes affaires. Il est temps que vous vous reposiez
et que je m’en mêle. C’est ma résolution de ne souffrir plus qu’autre que
moi-même commande en ce royaume. Je suis roi, à présent.
    Louis fit une petite pause après ce : « Je suis
roi, à présent », qu’il prononça sans hausser la voix, d’un ton uni, mais
avec cette même résolution dont il venait de faire état.
    — J’ai donné ordre, poursuivit-il, à ce qui est
nécessaire pour votre voyage, et j’ai commandé à Monsieur de la Curée et à sa
compagnie de vous accompagner. Vous recevrez de mes nouvelles étant arrivée à
Blois.
    Il fit de nouveau une petite pause, et reprit :
    — Adieu, Madame, aimez-moi et je vous serai bon fils.
    À mon sentiment, de tout son petit discours, cette dernière
phrase fut la plus surprenante, car ce « aimez-moi » était une prière
dont il savait qu’elle ne serait jamais exaucée, et ce « je vous serai bon
fils », une promesse dont il n’ignorait pas, sa mère étant ce qu’elle
était, qu’il ne pourrait jamais la tenir.
    Ce fut alors au tour de Marie de répondre, et Louis la
regarda avec un soupçon d’inquiétude, car elle avait les yeux pleins de larmes
et pétrissait fébrilement son mouchoir, tant est qu’il se demanda si, sur le
coup de son émeuvement, elle n’allait pas oublier ou modifier son texte. Et à
vrai dire, le premier mot qu’elle prononça lui fit craindre le pire, car au
lieu de dire « mon fils », appellation prévue dans son rollet, ou à
la rigueur, « Sire », comme l’eût voulu le protocole, elle lui dit
« Monsieur ».
    — Monsieur, dit-elle d’une voix tremblante, je suis
très marrie de n’avoir pas gouverné votre État durant ma régence plus à votre
gré que je n’ai fait, vous assurant que j’y ai néanmoins apporté toute la peine
et le soin qu’il m’a été possible, et vous supplie de me tenir toujours pour
votre très humble et très obéissante mère et servante.
    Si l’on met de côté la « très humble et très obéissante
mère et servante », qui n’était qu’une phrase de protocole tout à fait
vide de sens, le texte écrit par Louis pour sa mère me parut empreint d’une
certaine noblesse. Il se refusait à mettre sa mère en accusation : il ne
lui reprochait ni l’insensé pillage des deniers de l’État, ni la politique de
faiblesse vis-à-vis des Grands, ni les mépris dont elle l’avait accablé, ni le
soutien apporté à un usurpateur qui menaçait la liberté et la vie de sa
personne. Et passant ces très lourds griefs sous silence, il se bornait à
constater quelle n’avait pas gouverné « à son gré », mais qu’elle
avait fait de son mieux. C’était se montrer fort conciliant. Et peut-être trop,
en vins-je à penser plus tard, observant, année après année, tout le trouble
que les folles intrigues de Marie jetèrent dans l’État.
    Si Louis avait pu se départir alors de son masque
imperscrutable, il eût poussé un soupir de soulagement quand sa mère acheva de
débiter ce discours appris. Mais il eût soupiré trop tôt, car à peine
avait-elle terminé que Marie gagna l’encoignure d’une fenêtre et éclata en
sanglots.
    Ces pleurs jetèrent Louis dans l’embarras. Bien qu’exaspéré
par les prémices d’une scène qu’il eût tant voulu éviter, il sentit qu’il ne
pouvait planter là Marie sans encourir publiquement le reproche d’insensibilité
qu’il avait en son for tant de fois adressé à sa mère. Il prit alors le parti
de demeurer où il était, immobile comme une statue, et aussi
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