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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi
Autoren: Robert Merle
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la
reine, et quant à moi, pour voir aussi, en ma curiosité de chatte, comment elle
prenait la chose… Là-dessus, entrent dans la chambre Monsieur de La Place et
Monsieur de Bressieux. Je crus mourir de honte que ces gentilshommes me
vissent, faite comme j’étais ! Mais croyez-vous, mon cousin, que, malgré
la gravité de l’heure et ma tenue, ou peut-être à cause d’elle, Monsieur de
Bressieux n’avait d’yeux que pour moi ! Ma fé ! Les hommes sont de
bien étranges animaux ! »
    Les consolations de ses plus intimes amies ne furent pour
Marie d’aucun secours. Elle arpentait la pièce à grands pas, échevelée, l’œil
hagard, la langue paralysée, et se tordant les mains, l’image même du
désespoir. Madame de Guise, ne pouvant obtenir d’elle un seul mot, eut l’audace
de l’arrêter dans sa course et de fermer sur ses corpulences son manteau de
chambre de soie rose. C’est à peine si Marie s’en aperçut. Dès que ma bonne
marraine eut terminé sa pudique intervention, Marie reprit sa marche, tantôt se
tordant les mains et tantôt les battant comme folle l’une contre l’autre.
    C’est à ce moment que j’entrai moi-même dans la chambre avec
un message oral des plus détaillés, à transmettre à Marie de la part de son
fils. Tout en jetant en passant un regard tendre à Madame de Guise et un autre
regard à la princesse de Conti, que je trouvai charmante en son jupon, j’allai
me génuflexer devant la reine, mais ne pus baiser le bas de sa robe, tant elle
s’agitait. De reste, dans le désarroi où elle se trouvait et jugeant qu’elle
était incapable de m’ouïr et, même, d’entendre mon propos, je pris le parti
d’attendre qu’elle se remît quelque peu du coup qui l’avait accablée.
    Monsieur de La Place se montra plus audacieux, se hasardant
à la parfin à accomplir la mission pour laquelle il était entré :
    — Madame, dit-il, nous sommes grandement dans l’embarras.
Nous ne savons pas comment annoncer à la maréchale d’Ancre la mort de son mari.
    À ces mots, la reine s’arrêta dans sa course, son visage
s’empourpra, et retrouvant tout soudain, dans son ire, sa langue paralysée,
elle cria à tue-tête avec une extrême violence :
    — Eh bien ! Si vous ne savez pas comment lui dire
la nouvelle, chantez-la-lui !
    Cette parole produisit sur moi un effet fort pénible. À voir
la façon dont on avait traité son mari, le sort de la Conchine n’allait pas
être des plus doux, et je sentis je ne sais quelle bassesse dans la brutale
insensibilité dont la reine faisait preuve à son égard.
    — J’ai bien d’autres chats à fouetter !
poursuivit-elle à la fureur. Je ne veux plus qu’on me parle de ces
gens-là ! Je leur avais bien dit ! Il y a longtemps qu’ils eussent dû
être en Italie ! Pas plus tard qu’hier soir, j’avais prévenu le maréchal
que le roi ne l’aimait pas ! Et maintenant, j’ai assez affaire à moi-même
pour m’occuper de cette femme !
    À mon sentiment, il y avait dans cette attitude et ces
propos un double aveu enrobé d’hypocrisie : Marie n’avait jamais consenti
à donner à Conchine l’ordre formel de se retirer, pour la raison, comme je l’ai
dit déjà, qu’il était le bras séculier qui la maintenait au pouvoir contre les
aspirations de son fils. Et ce même fils, si présentement elle tremblait devant
lui, c’est qu’elle avait conscience, quoi qu’elle en eût, d’avoir agi à son
endroit avec la plus criante injustice.
    Après cet éclat, Marie parut se calmer par degrés, comme si elle
s’était créé une neuve vertu en faisant retomber toutes les fautes de sa
régence sur les maréchaux d’Ancre. Quant à moi, je crus le moment venu d’entrer
en lice.
    — Madame, dis-je en me génuflexant derechef, plaise à
Votre Majesté de bien vouloir m’ouïr. J’ai un message à lui délivrer de la part
du roi son fils.
    — Je vous ois, Monsieur, dit-elle en s’asseyant et en
faisant un assez pitoyable effort pour rassembler autour d’elle les lambeaux de
sa dignité.
    — Madame, le roi votre fils est résolu à être désormais
le maître en son royaume et à prendre en main le gouvernement de l’État. Il
vous prie de lui faire la grâce de ne plus vous en occuper.
    — Est-ce tout, Monsieur ? dit-elle avec une voix
où elle tâchait de mettre de la hauteur, sans y réussir tout à fait.
    — Non, Madame, dis-je avec un nouveau salut. Le roi
votre fils vous invite à ne point
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