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Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS

Titel: Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
Autoren: Boris Thiolay
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demi-heure, le nom d’Erwin Grinski est apparu dans les pages de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
    L’homme n’a pas semblé décontenancé par mon appel. Il voulait bien me recevoir, mais semblait surpris que je veuille venir de Paris pour si peu. Nous pouvions « en parler au téléphone », disait-il.
    Deux semaines plus tard, il fait très doux à Avignon. L’air est limpide. Arrivé à la cité de la Cabrière, le chauffeur de taxi lâche : « Ce n’est pas le Bronx, ici, mais j’aime autant déposer mes clients ailleurs… » Au numéro 15 bis, au pied de l’immeuble, des jeunes surveillent l’accès du hall d’entrée, comme s’il leur appartenait. La serrure électrique de la porte ne fonctionne plus, les boîtes à lettres portent des traces d’incendie. Des mégots et des papiers traînent au sol. Les habitants n’osent rien dire. Erwin, lui, me dira-t-il, fait comme s’il ne s’apercevait de rien quand il croise la petite bande.
    Attablé dans son salon, les rideaux tirés, mon hôte déplie soigneusement le second document qui atteste de ses origines. Il examine la feuille avec une loupe. Erwin est atteint d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge : sa vision est très réduite, son champ oculaire est parsemé de trous noirs. Le papier qu’il me tend est une copie conforme d’un jugement du tribunal de Senlis, datant de mars 1948. Voici ce qu’il énonce : « Le 21 mai 1944, à 23 heures 55, est né à Lamorlaye au château Menier : Erwin Constant Jean, du sexe masculin. » Le château Menier, c’est l’autre nom du manoir de Bois-Larris. L’étrange pouponnière SS y était établie depuis trois mois. Il était minuit moins cinq quand l’enfant a poussé son premier cri.
    Élisabeth Grinski s’est retrouvée au manoir par un terrible enchaînement de circonstances. Elle est née en 1911 dans une famille de mineurs polonais, originaires de Nakel (aujourd’hui Naklo), en Poméranie occidentale. Comme beaucoup de Volksdeustche (population d’origine allemande), les Grinski ne parlent que l’allemand. Les quatre sœurs d’Appolonia, la mère, sont d’ailleurs parties s’installer à Dortmund. En 1921, la famille émigre en France, comme des dizaines de milliers de Polonais après la Grande guerre. Le père, Johannes, va travailler à la mine de charbon de Saint-Jean-de-Valeriscle, près d’Alès, dans le Gard. Appolonia élève leurs quatre enfants : Élisabeth, l’aînée, Éleonore, Florentine et Jean, le petit dernier, né en France. Le dimanche, tout ce beau monde assiste aux leçons de français le matin, puis de polonais l’après-midi.
    Erwin montre une photo où toute la famille pose, endimanchée. Les parents sont assis. Jean, en marinière, se tient entre eux. Les trois filles, debout, les entourent. Il s’agit probablement de la communion d’Éleonore. Si c’est le cas, nous sommes en 1925 ou 1926. La jeune fille arbore une robe blanche, des chaussures claires, vernies, à talons, un collier de perles et un bouquet de fleurs. Élisabeth, qui porte également une robe blanche, un petit sac à main et des chaussures foncées à talons, fixe l’objectif d’un regard sévère, presque hostile. Elle a 14 ou 15 ans. Deux ans plus tard, pour une raison que nous ignorons, ses parents la mettent à la porte. Elle quitte la région, trouve un emploi aux thermes de Vals-les-Bains (Ardèche), à 80 kilomètres au nord d’Alès. Une autre photo, en évidence sur la desserte du salon d’Erwin, témoigne de cette époque. Élisabeth, en robe claire, est assise sur une chaise dans ce qui semble être un jardin public. Au dos de la photo, est écrit : « Andenken für fraulein Élisabeth Grinska, 17 jahre alt, 1927, Vals-les-Bains ». En français : « Souvenir pour mademoiselle Élisabeth Grinska, 17 ans… »
    Ensuite, les traces de la jeune fille s’estompent. Elle aurait travaillé comme aide-soignante à Alès, puis à Lyon. On la retrouve à Paris vers 1941-1942. Élisabeth trouve du travail dans un orphelinat. Parlant parfaitement l’allemand, elle devient ensuite interprète pour l’occupant. C’est ainsi qu’elle aurait rencontré un officier, originaire des Sudètes, une région germanophone de Tchécoslovaquie annexée par le Reich en 1938. Cet homme faisait-il partie de la Wermacht, travaillait-il avec la Croix-Rouge, comme Élisabeth l’a raconté quarante-cinq ans plus tard à son fils ? Erwin croit savoir
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