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Le tresor de l'indomptable

Le tresor de l'indomptable

Titel: Le tresor de l'indomptable
Autoren: Paul C. Doherty
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finirait. Si la Carte du Cloître était authentique, ce dont il était persuadé, alors lui et Hubert deviendraient des hommes puissants et influents ; peut-être même achèteraient-ils le pardon du roi. Quel changement !
    Blackstock agrippa les cordages et s’abandonna à la houle qui faisait tanguer son bateau. Il en avait l’habitude et ne craignait rien. D’aucuns prétendaient que son visage sombre et ténébreux, avec ses rides profondes, ses yeux sans vie et son nez pointu surmontant des lèvres exsangues, était celui d’un bourreau. D’autres disaient que sa figure leur rappelait celle d’un religieux, d’un ascète, d’un homme voué au service de Dieu et à l’amour de ses frères. En réalité, Blackstock ne se souciait de personne, sauf de son demi-frère bien-aimé.
    Alors qu’il se tenait près du gréement, il méditait, tel un moine dans sa stalle, sur la manière dont tout cela avait commencé. Son père s’était marié deux fois. La mère d’Hubert, une Fitzurse, étant morte en couches, le père de Blackstock avait alors épousé une fille de la région, une jouvencelle venue d’une des fermes alentour. Hubert avait six ans de plus qu’Adam, et pourtant ils avaient passé leur enfance, comme l’avait souvent fait remarquer leur père, en jumeaux, unis comme les doigts de la main. Tout jeune, Hubert s’était révélé un élève doué, capable de déchiffrer le livre de corne {2} , aussi l’avait-on envoyé à l’abbaye de St Augustin pour être éduqué par les bénédictins. Mais, quand il regagnait son foyer, les deux frères passaient des jours vraiment paradisiaques. Des journées heureuses à pêcher et à canoter sur la Stour, à aider leur père à la ferme, à se rendre à Cantorbéry voir la célèbre relique de Becket et assister aux marchés et aux foires bien achalandés de la ville. En 1272, leur paradis avait sombré dans l’horreur. Cette année-là, le vieux roi Henri III, délirant et fiévreux, avait trépassé à Westminster. Édouard, son fils aîné et héritier, se trouvait en croisade outremer. En l’absence d’un souverain fort, la paix du roi avait été violée en moult villes et comtés par des bandes errantes de vauriens et de voleurs qui attaquaient les manoirs isolés, les saccageaient et les pillaient. Le manoir des Blackstock près de Maison Dieu avait été l’un d’eux.
    Par cette soirée fatidique, le père de Blackstock avait monté l’escalier en courant, avait poussé Adam par une fenêtre haute et l’avait quasiment jeté sur une charrette remplie de foin au-dessous, en lui criant de s’enfuir et de se réfugier dans les bois voisins. Une nuit de cauchemar ! Blackstock s’était caché sous un buisson et avait vu abattre son père, violer sa mère et la servante avant qu’elles aussi soient tuées, gorge tranchée et ventre ouvert. Nulle trace de John Brocare, un parent de son père. À l’époque, Adam avait cru qu’il avait lui aussi été assassiné et que son cadavre avait été consumé dans l’incendie. Le lendemain matin, les hommes du shérif, venus constater les dégâts, avaient trouvé Adam. Hubert était à Cantorbéry à ce moment, dormant avec les autres garçons dans le dortoir des élèves à St Augustin. On avait emmené les frères au Guildhall, où un individu à la barbe grise et à l’oeil sombre leur avait narré la tragédie dans ses moindres détails. Assis dans cette pièce poussiéreuse, ils avaient compris à quel point leur vie allait être complètement bouleversée. « OEil sombre », perché derrière la table, les regardait avec tristesse tout en décrivant la destruction de leur demeure, le meurtre de leur père et de leur mère, les corps des autres victimes brûlés, impossibles à identifier. Il leur expliqua que leurs parents seraient enterrés dans le cimetière de St Mildred, sous le vieil if où ils s’étaient rencontrés pour la première fois lors d’une fête paroissiale. Il tentait d’adoucir le choc, mais Blackstock, assis main dans la main près d’Hubert, se contentait de regarder la fenêtre à meneaux derrière la tête du vieillard et d’observer les particules de poussière qui dansaient dans la lumière transperçant le verre épais. Puis ce fut comme dans un rêve. Le marchand avait conduit les deux garçons en bas et les avait présentés à d’autres hommes qui avaient déclaré que leur père avait été non seulement un franc-tenancier prospère, mais
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